L’art-thérapie dont le but initial est le soin en institution vit des évolutions qui posent question sur son objet, sa pratique et la finalité des œuvres ainsi créées, sans oublier les dérives vers le bien-être...Annie Boyer-Labrouche, psychiatre, pionnière dès 1990 de l’art-thérapie en France, et auteure de Pratiquer l’art-thérapie (Dunod, 2017), repose le cadre et les enjeux de l’art-thérapie.
Pour un retour aux fondamentaux de l’art-thérapie
Définition
La définition de l’art-thérapie est complexe. Pour ma part, je me base sur l’origine de cette pratique qui consiste à mettre l’art au service du soin.
Ici, le mot « art » désigne les médiums variés propres à l’art utilisés au service de la thérapie : dessin, peinture, musique, pratiques artistiques autour du corps ou les arts vivants, comme la danse et le théâtre ou avec l’évolution des technologies, la vidéo...
Mais la part la plus importante de cette pratique reste le soin dans un cadre intime par le processus thérapeutique qu’elle génère pour le patient.
En hôpital psychiatrique, les praticiens sont essentiellement des professionnels de la santé, psychiatres, infirmiers, psychologues...
Le champ de l’art-thérapie s’est étendu avec profit dans d’autres institutions : centres de gériatrie, services hospitaliers, EHPAD, maisons de retraite et d’autres lieux de collectivités.
Aujourd’hui, cette pratique, devenue à la mode, suscite l’engouement de nouveaux intervenants, comme les artistes ou de personnes qui se situent dans la relation d’aide, sans être artistes ou soignants... ce qui peut entraîner des dérives où l’on perd le sens du soin, notamment dès lors que l’on sort de l’institution et qu’il s’agit de « bien-être ».
Cadre et déontologie
L’art-thérapie n’étant encadrée par aucun diplôme officiel, on voit désormais fleurir des formations, introduisant dans le circuit des personnes non soignantes, sous la responsabilité de médecins, sur prescription médicale.
D’où l’importance de rappeler le cadre déontologique : l’art-thérapeute n’est qu’un tiers entre le médium et le patient. À chaque séance, il pose le cadre avec les patients, cadre essentiel pour générer le processus thérapeutique. Ensuite, il doit rester le plus neutre possible, sans prise de pouvoir, d’où l’importance de définir une déontologie rigoureuse. Ici, l’art n’est jamais la finalité.
Les questions qui se posent aujourd’hui
Avec ce développement, et près de 30 années d’existence, de nombreuses questions, juridiques ou éthiques, émergent auxquelles il va falloir répondre... À qui appartiennent ces productions, trop souvent assimilées à l’art brut, créées au cours de séances d’art-thérapie en institutions ?
Comment peut-on les conserver, qui a légitimité pour le faire, doivent-elles l’être, sachant que leur seul intérêt réside dans le processus par lequel elles ont été créées ? Rappelons que dans le cadre posé avec le patient, on peut décider que l’œuvre sera détruite ou conservée. Doit-on leur dédier un musée, peut-on exposer au public et en galerie des œuvres créées dans le cadre intime du soin ?
Pour chercher des réponses, revenons au cadre : l’art-thérapie est seulement un moyen d’expression de leurs souffrances pour les patients qui se sentent ainsi valorisés et sortent de leur isolement, ce n’est rien d’autre et il n’y a pas de place pour une autre interprétation ou exploitation.