Jean-Michel Chapuis nous explique pourquoi l’hospitality management est le pilier essentiel pour la réussite des établissements hôteliers.
Jean-Michel Chapuis, pouvez-vous définir ce que représente l’hospitality management ?
L'hospitalité englobe un vaste éventail d'interactions sociales entre l'hôte et l'invité. Ce n'est pas simplement ouvrir les portes d'une chambre sans personnalité, mais offrir la sécurité et le confort à l'invité pour une expérience enrichissante, afin de profiter de moments avec ses proches ou pour se concentrer sur ses affaires. L'hospitalité dépasse les seuls services d'un hébergement, impliquant aussi les communautés locales, les employés, les marques hôtelières et les destinations touristiques.
Les hospitality managers ont vocation à concevoir et mettre en œuvre des dispositifs de pilotage des échanges d’hospitalité ; chaque partie prenante apportant une ressource unique, telle que les compétences techniques et l’intelligence émotionnelle des hôtes ainsi que les infrastructures nécessaires. Les activités pour créer ces rencontres entre les hôtes et invités exigent des connaissances, des compétences, des stratégies. La responsabilité sociétale des managers de l’hospitality est de faire en sorte que l’organisation de ces activités consomme le moins possible de ressources tout en maximisant la valeur.
Pourquoi dites-vous que l’industrie hôtelière représente une invention sociale ?
Oui en effet, l’hôtel est une invention qui favorise la mobilité humaine au côté des technologies du transport. Le voyageur, le touriste, est dépendant du bon vouloir, de l’hospitalité des sociétés qu’il traverse. La minimisation du risque, du coût, et la maximisation du plaisir supposent un agencement efficace et efficient des activités. Cette organisation doit être inventée et se régénérer sans cesse avec les mutations de nos sociétés. Les consommations émergeantes de mobilités entraîneront une évolution des modalités d’hébergement et de restauration, c’est déjà le cas avec les hôtels art de vivre (lifestyle) comme les palaces l’ont été au XIXème.
L’hôtellerie apporte certes des solutions à la sécurité des personnes, au confort et aux rapports sociaux durant leur séjour, mais bien plus encore. L’hôtel assemble des ressources matérielles et humaines permettant aux parties prenantes de se réaliser, de s’épanouir : les familles et les amis s’y retrouvent, les entreprises y tiennent des réunions, les employés y soutiennent les communautés locales. L’hôtellerie contemporaine est le résultat d’évolutions dans la manière de recevoir et de délivrer une hospitalité à l’échelle planétaire tout en étant ancrée à un territoire. C’est là le paradoxe. La rencontre entre l’hôte et l’invité relève de l’intimité. Un hôtel est centré sur son environnement proche et ouvert au monde entier. La compétition entre les destinations, et entre les fournisseurs de l’industrie, est mondiale. L’hôtel est l’invention des hôteliers afin d’aligner ces prismes.
Le grand livre de l’hospitality management symbolise l’accès aux connaissances et articule les idées majeures qui valorisent les hôtels comme une invention sociale répondant aux besoins des voyageurs tout en optimisant l'utilisation des ressources.
Cela ne se résume pas uniquement à la satisfaction du client…
Tout à fait ! La performance globale de l’hôtel et l’hospitalité est un équilibre délicat entre plusieurs parties prenantes, dont la satisfaction du client durant son séjour n’est qu’une des dimensions, comme celle de la recherche du profit par les actionnaires.
Cette vision partenariale est encore plus frappante dans l’hospitalité que dans d’autres industries. La satisfaction des employés, des fournisseurs, des propriétaires précède celle des clients. Sans eux, le service hôtelier ne peut pas être à la hauteur des espérances des clients : avant l’arrivée physique des invités, la marque et le distributeur doivent avoir commercialisé l’hôtel, les hébergements doivent être entretenus par le propriétaire, les employés doivent être présents et engagés. Dans les murs de l’hôtel, mais aussi en dehors se focalisant sur les acteurs de la destination touristique.
Vous avez construit cet ouvrage en vous basant sur les regards et les questionnements d’étudiants…
Oui ! Notamment lorsqu’ils rencontrent les professionnels et les experts. Leur question est souvent : pourquoi ceci ou cela ? Nous avons ressenti que les apprenants manquaient d’une représentation intelligible de l’environnement dans lequel ils vont évoluer ; et que les professionnels étaient désarmés pour appréhender la finalité, plutôt les finalités, de leurs organisations. Chacun étant confronté à un avenir incertain, nous avons décidé de rassembler les points de vue.
Le corps de connaissances de l’hospitality management, structuré en théories et pratiques, permet la prédiction, explique le réel : comment répondre à un invité à la réception ? Préparer les commandes ? Accompagner un jeune collaborateur ? Signer un contrat de commercialisation ? Ces éléments soutiennent l’hôte dans son action managériale ; par exemple dans la négociation des budgets avec le propriétaire hôtelier.
Dans la dernière partie de votre livre, vous abordez l’hôtel du futur, pouvez-vous nous en dire davantage ?
En considérant l’hospitalité et l’hôtellerie comme des phénomènes sociaux qui reflètent l’état de nos sociétés, il est clair que leur avenir est intrinsèquement lié à des mutations sociétales imminentes. La personnalisation des relations sociales est une tendance forte dans nos sociétés post-modernes. Elle découle logiquement de notre besoin d’individualisme. Les technologies digitales, telles que les plateformes et les réseaux sociaux, facilitent cette tendance. Elles permettent aux individus de personnaliser leurs interactions et leurs expériences en fonction de leurs besoins spécifiques. Les hôtes Airbnb et leurs invités s’inscrivent pleinement dans cette dynamique.
Parmi les innombrables possibilités, nous avons retenu la promesse employeur pour un parcours collaborateur et les hybridations des activités. Le rôle de l’hospitality manager est crucial pour assurer une bienveillance des rapports humains sur le lieu de travail. Il est en réalité le maillon central de l’hospitalité entre les besoins des ressources humaines et ceux des invités. Ses compétences sont à la fois la cause et la solution des enjeux du secteur.
L’avenir de l’hospitalité est de plus en plus transversal, façonné par les tendances de consommation, sous l’effet d’innovations technologiques adoptées ailleurs. Au-delà des mobilités, les consommateurs de demain axés sur les productions locales sont favorables à l’hôtellerie. Les hôtes, par définition, sont les mieux placés pour valoriser – et protéger – les ressources des communautés de proximité. En particulier, l’hôtel de demain se métamorphosera en théâtre de divertissement. Nous voulons dire par là une hybridation d’expériences mais aussi une plus forte spécialisation des lieux. L’hébergement et la restauration, depuis toujours, sont combinées à d’autres : le jeu, la vie nocturne, le bien-être, voir le médical. Mais aussi les espaces de travail collaboratifs, le télétravail sont des activités complémentaires dans les milieux urbains.
Les hôtels, par une adaptation constante, évoluent pour favoriser une plus grande autonomie des hôtes et des invités, renforcée par un contrôle selon les résultats, assurant ainsi leur pérennité en tant qu'acteurs responsables et innovants du secteur de l’hospitalité.
Le grand livre de l'hospitality management
Maîtriser les complexités de la gestion hôtelière et exceller dans l’art de l’hospitality c’est ce que propose Le grand livre de l’hospitality management : une réflexion approfondie sur un large éventail de concepts, de méthodes et d’enjeux liés à l’industrie de l’hospitalité pour devenir un hôtelier responsable.