Interview de Anne-Victoire Rousselet pour son livre "Mieux vivre avec la schizophrénie"
La schizophrénie est une maladie encore « tabou » et stigmatisante.
Le traitement et l’approche de cette maladie ont évolué. Anne-Victoire Rousselet, dans Mieux vivre avec la schizophrénie (Dunod, 2022, 2014 pour la 1e édition), décrit la maladie, ses origines, ses symptômes, ses traitements, médicaments ou techniques comportementales.
Ce cahier d’accompagnement apprend au patient à gérer sa vie au quotidien pour réduire les symptômes, donne aussi des informations à ses proches pour vivre au mieux avec une personne atteinte de cette maladie.
Ce cahier thérapeutique est-il destiné à tous les types de patients schizophrènes ?
Oui ce cahier thérapeutique est accessible à tous. Certains de mes patients ou de patients de collègues l’ont déjà utilisé avec des proches pour faire les exercices thérapeutiques. Ce cahier d’accompagnement est conçu dans la progression de la thérapie. La première partie a un objectif de psychoéducation et décrit d’abord tous les symptômes, toutes les formes de la maladie et comment elle apparaît – cette partie concerne tous les patients et ensuite progressivement, par étapes, j’y aborde des symptômes positifs et négatifs, ainsi que la gestion du stress. Ensuite il y a une partie spécifique sur la prévention des rechutes.
J’ai déjà des retours de patients qui l’ont utilisé seuls qui disent que cela les rassure et que cela leur fournit des outils pratiques.L’objectif de ce cahier est aussi de déstigmatiser et dédramatiser. Cela permet aux patients de mettre des mots sur leurs symptômes, de proposer des stratégies complémentaires à la stratégie médicamenteuse pour les gérer et les diminuer.
Comment avez-vous conçu ce cahier, comment le patient peut-il l’utiliser ?
Ce cahier peut être utilisé seul ou avec ses proches. L’idéal est que le cahier soit utilisé avec le thérapeute qui le prescrirait. C’est une aide à la psychothérapie. Avant de décider de demander au patient de se le procurer, je prends d’abord deux ou trois entretiens pour évaluer si le patient est capable de l’utiliser seul ou avec un proche. Ensuite, on en discute et je le guide dans l’utilisation de l’ouvrage. Il peut prendre des notes au fil du cahier ce qui permet de réfléchir.
Pourquoi est-il important de partager les connaissances sur la maladie avec le patient ?
Les collègues psychiatres et psychologues me disent que ce cahier rend le travail avec les patients accessibles. Ils le trouvent bien conçu, très pédagogique et apaisant. Il est déstigmatisant, concret, précis, facilement utilisable. La schizophrénie est encore tabou pour beaucoup de gens, et fait l’objet de beaucoup de préjugés et d’idées reçues. Aussi, progressivement ce cahier va prendre sa place auprès des patients et de leurs proches. Car il existait beaucoup d’ouvrages pour les aidants et les soignants mais pas pour les patients. Ce cahier permet d’informer le patient et de lui transmettre des connaissances sur la maladie dont il souffre.
En donnant au patient des explications sur les symptômes de la maladie dont il souffre, le thérapeute l’accompagne dans cet apprentissage, cela lui permet d’adhérer à la thérapie car il comprend mieux les enjeux et les résultats possibles. En partageant les connaissances sur la maladie, le thérapeute rend le patient plus autonome dans les soins et la prévention des situations pouvant créer des angoisses. Le patient devient expert de sa maladie.
Les patients expriment des choses simples, douloureuses, difficiles et avec le cahier d’accompagnement ils peuvent enfin donner du sens à toute cette souffrance. Cela les rassure, les déstigmatise et les rend compétents pour gérer des situations stressantes.
Ainsi, un patient est plus à même de comprendre et gérer les situations qui vont l’angoisser et apprend à évaluer le contexte en gérant son stress et par là-même ses symptômes. Il comprend pourquoi certaines situations le mettent dans l’inconfort et cela lui permet de prendre de la distance.
De même quand les proches sont informés, ils deviennent de meilleurs aidants. Le fait de connaître et comprendre la maladie, la rend moins mystérieuse et permet d’identifier les moments de stress et d’anxiété. Ils comprennent ce que vit leur proche et peuvent mieux anticiper les situations génératrices de stress.
Quel est le rôle de ce cahier dans l’accompagnement avec le thérapeute ?
Utilisé avec le thérapeute, le cahier d’accompagnement est un soutien pour la psychothérapie et un relais du thérapeute quand le patient est seul. Un outil qui l’aide à gérer des situations anxiogènes, sans l’appui de son thérapeute. Avoir le cahier d’accompagnement lui permet de « détricoter » des situations et cela le rassure.
Le travail de psychothérapie comportementale et cognitive commence dès que le patient lit ce qu’est sa maladie, comment elle se présente, comment se manifestent les symptômes… il prépare ses questions, au fil de sa progression, pour échanger avec le thérapeute et le cahier est le fil rouge du travail thérapeutique. Pour gérer sa maladie, il faut bien la connaître, c’est l’objet de ce cahier d’accompagnement.