Faire face à la complexité, éviter la complication, trouver le chemin de la simplicité, c’est ce que propose l’ouvrage Les chemins de la simplicité, coordonné par Philippe Guillou.
La simplicité est à ne pas confondre avec simplissime…Pourquoi faire simple est si compliqué ?
Effectivement la simplicité n’est surtout pas le simplisme. En schématisant, on pourrait dire que le simpliste fonctionne par raccourcis faciles pour délivrer des sentences, a priori sensées, attractives, mais fausses. Son erreur est de ne pas avoir suffisamment travaillé son sujet, d’en avoir occulté des pans entiers. Sans tomber dans le procès de la mauvaise foi, ses conclusions sont donc partielles et souvent partiales. Nous vivons une époque qui valorise l’immédiat, le slogan, le « prêt à consommer ». Le simplisme nous guette à chaque coin de page web.
La simplicité ne supporte pas le manque de maîtrise. Elle demande beaucoup de temps, de travail d’appropriation, de compréhension de phénomènes compliqués et complexes. Elle nécessite des efforts intenses. C’est parce que vous dominez votre sujet que vous êtes à même de le rendre simple pour autrui. Et c’est en cela que la simplicité est si compliquée.
J’ai en mémoire un de mes anciens professeurs de maths. J’aimais bien les maths mais je n’y excellais pas du tout. Trop lent, trop mécanique dans mon raisonnement, je plafonnais. Avec ce professeur, c’est comme si la lumière s’était allumée d’un coup. Ses explications, son calme, sa méthode, tout devenait clair et limpide. Bien sûr mes notes ont fortement progressé. Seul bémol : lorsque j’ai changé de classe, et de professeur, l’année suivante, je suis revenu à mon niveau standard. La lumière s’était éteinte.
Notre intelligence sert à rendre accessible ce qui ne l’est pas, à rendre simple ce qui est compliqué. Nous nous souvenons toujours des personnes qui ont ce talent. Nous oublions très vite les autres, celles qui rendent compliqué ce qui devrait être simple.
Pour faire simple, il est important d’accepter l’incertitude ?
L’incertitude ne peut pas être refusée, elle s’impose à nous. Qui est capable de dire ce qu’il va se passer dans 6 mois ? Absolument personne. Nous construisons des plans qui échouent. Les statistiques disent d’ailleurs que 80% des projets en entreprise n’aboutissent pas correctement (non respect des délais, des coûts, etc). Ce que nous avons prévu ne se passe pas .. comme prévu et ce que nous n’avions pas prévu arrive.
En résumé, accepter l’incertitude est un incontournable. Je dirais même qu’il nous faut apprendre à en saisir toutes les opportunités. Et pour cela, 2 compétences clés sont à mettre en œuvre : reconnaître que nous ne savons pas et « nous débrouiller » avec ce que nous savons faire aujourd’hui pour traiter ce qui se présentera à nous demain. La simplicité commence par cela.
Malheureusement nos organisations répugnent à l’incertitude. Elles y voient le risque, le danger, et l’absence de clarté, sensée nous aider au quotidien. Elles se construisent donc une armure de process et de procédures. S’il nous donne l’illusion de la sécurité, cet outillage clinquant produit, au final, déresponsabilisation, désengagement et baisse de productivité. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les plus grands scandales (sanitaires, économiques) surviennent au sein de domaines très réglementés et contrôlés (cf dernièrement le cas Nestlé et la purification de l’eau).
Cet ouvrage réunit un astrophysicien, une designer, un ingénieur, une experte en innovation, un agriculteur, un ancien DGA, une philosophe, des consultants... Pourquoi tant d'auteurs ?
Lorsque nous avons commencé, mes collègues consultants et moi, fin 2021, à travailler sur ce sujet, il nous est vite apparu que le chantier « Simplicité » allait s’avérer très … compliqué. La définition de la Simplicité n’est pas la même selon la période historique, la culture dans laquelle vous baignez, votre domaine d’activité, etc. Nous voulions embrasser le paysage le plus vaste possible et confronter les regards et les approches.
C’est pourquoi nous avons sollicité des profils très différents, avec comme critère n°1 : des personnes confrontées à des environnements complexes… et qui ont su garder une vraie simplicité de relation. Je rajouterais que la présence d’Emmanuel Gabory, représentant du monde agricole, était pour moi un incontournable. Comment parler de simplicité et de bon sens paysan sans paysan ?
La crise agricole de début 2024 n’a fait que mettre en lumière combien cette profession était en souffrance. Si leurs revendications étaient nombreuses, un certain retour à la simplicité vs le maquis des normes, apparaissait clairement. Le soutien massif de la population, malgré les tracteurs en travers des routes, me fait dire que nous nous sommes tous retrouvés, au moins un peu, dans cette requête.
A-t-il été simple d’écrire ce livre à 10 auteurs ?
Eh bien oui et non.
Non parce qu’aligner autant de personnes sur une même thématique nécessite du temps, ne serait-ce que pour faire connaissance et découvrir les convictions réciproques. Ensuite, il nous a fallu entériner le plan du livre, son titre, son sous-titre. Autant de décisions issues de discussions parfois confrontantes.
Et oui parce que ce livre illustre bien la démarche de simplicité. L’objectif était que le livre soit simple, accessible pour le lecteur, pas qu’il soit simple pour les auteurs. Notre chemin fut parsemé d’aller-retours, de désaccords parfois. C’est un excellent signe. Les équipes performantes utilisent la confrontation comme levier de progrès. Jamais nous n’aurions abouti à cette richesse de contenu en respectant un consensus mou.
Une question clé à se poser au sein de nos organisations reste : « La simplicité, oui. Mais pour qui ? ». Un IPhone n’a rien de simple à concevoir. En revanche un enfant de 2 ans va jouer avec sans l’aide de personne. C’est à cela qu’on reconnaît la simplicité.
Vous avez choisi de raconter des "histoires vraies de simplicité" dans le dernier chapitre : quelle est celle qui vous a le plus marqué ? En quoi est-ce reproductible ?
Nous avons voulu ce chapitre « Histoires vraies » pour donner corps à la simplicité. Pour beaucoup, la simplicité nous apparaît comme une lumière inaccessible au bout d’un long tunnel. Mais la simplicité est une décision. Et faire témoigner ceux qui ont pris cette décision a été extrêmement riche d’enseignements.
Si chacune de ces histoires vous démontrera l’intérêt de vous engager sur le chemin de la simplicité, l’interview de François Salin, de la société Ilasis Laser, m’a conforté sur un des principes clés de la simplicité : le principe de réduction, - c’est +.
Comme il le résume très bien « retirer des choses, c'est plus difficile que d'en rajouter (…) La simplicité n'a pas été intégrée dans le logiciel culturel des chercheurs et des ingénieurs ! »
Son exemple nous inspire tous : re-questionner la pertinence des procédures, des documents administratifs, des fonctions d’un produit, voilà une pratique peu répandue, et pourtant essentielle à la simplicité de nos organisations.
Les chemins de la simplicité - Pour les fatigués des organisations compliquées
La baguette magique de la simplicité n’existe pas. Si les discours font flores sur la chasse aux usines à gaz, les démarches réelles de mise en œuvre de la simplicité sont assez rares et peu médiatisées. Les chemins de la simplicité vous donne les clés pour remettre la simplicité au cœur de votre entreprise, quels que soient son secteur d’activité, sa taille... et sa complexité.
Aboutir à la simplicité peut passer par de multiples chemins. À vous de choisir celui qui vous correspond.