Comment les commerciaux peuvent – et doivent – réinvestir leur fonction grâce à une alliance avec la technologie et l’IA ? Vincent Caltabellotta nous apporte des réponses à cette question et nous présente le vendeur augmenté du 21e siècle.
Le commerce est en pleine disruption avec la digitalisation de la relation commerciale. Le métier de commercial est-il menacé ?
Les métiers de la vente ne sont pas menacés, au contraire. En revanche, il va y avoir (et il y a déjà) beaucoup de bouleversements.
La disruption ne veut pas dire disparition mais mutation majeure et rapide par la technologie. Et quand on regarde des mutations passées, on se rend compte qu’après une phase de rupture on passe dans une phase d’explosion de l’industrie concernée. Regardez comme les photographes ont eu peur avec le numérique. Il n’y a jamais eu autant de photographes amateurs et professionnels de toute l’histoire de l’humanité. Les pros deviennent meilleurs, ont plus d’options, et ils forment les amateurs qui se déploient. Sans compter les nouveaux métiers qui émergent autour du métier de base.
C’est pareil pour la musique, la téléphonie, les taxis, la formation, la communication, les voyages, et tant d’autres. Ce sont des industries qui ont eu peur et qui sont finalement devenues universelles. C’est ce qui est en train d’arriver au commerce. On arrive dans un monde où la vente est omniprésente, avec des métiers multiples et nouveaux. Concernant le métier de commercial pur, particulièrement B2B il va faire face à des changements majeurs qui vont l’obliger à lui aussi muter et développer de nouvelles compétences, technologiques et humaines. Celui qui laisse passer le train sera dépendant, celui qui le prend pourra découvrir un nouveau monde.
La technologie vient donc augmenter le commercial et non le tuer ?
Exactement, raison pour laquelle je parle de vendeur augmenté. Un vendeur qui développe une intelligence commerciale portée par la technologie qui lui permet de gagner en vision, en prise de recul, en anticipation, en puissance de frappe et en créativité. Avant le vendeur était seul avec deux ou trois outils clés (une voiture, un catalogue produit et un téléphone). Aujourd’hui il est l’élément d’une machine commerciale hyper intelligente et efficace.
Il doit en revanche trouver sa place car oui, il ne sera plus « le dieu de la boîte », mais un élément comme un autre. Ce qui n’est peut-être pas plus mal.
Le rôle humain est essentiel, notamment pour intégrer une dimension plus éthique dans la relation commerciale. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Le commercial va effectivement devoir augmenter son potentiel humain. C’est-à-dire ses compétences en intelligence émotionnelle et en psychologie. Avant on apprenait aux commerciaux à répondre aux questions pour vendre, demain on leur apprendra à anticiper les réactions pour être plus efficaces tout de suite. Ça sera un élément de la performance commerciale. Comme on est dans un monde où on fait toujours plus et plus vite, cette compétence humaine sera différenciante d’une organisation à une autre.
En revanche, nous arrivons aussi dans un monde où l’éthique doit retrouver sa place. Comme je l’explique dans le livre, nous sommes à la fin d’un monde et nous dessinons de nouveaux horizons commerciaux. Dans ceux-là il doit y avoir une responsabilité sociétale, sociale, environnementale. Pour notre planète bien sûr, mais aussi et surtout pour nos cerveaux et nos corps qui doivent retrouver une forme de sérénité.
Il ne s’agit pas de vendre plus mais de donner envie d’acheter ?
Il y a de ça oui. Je pense que l’humain aura toujours une quête de profit. Que cela soit en euro ou en ego ! Mais l’enjeu du métier aujourd’hui est de passer d’un monde où on sème large en espérant récolter un peu à un monde où on ne cible que ce qui est potentiel. Et dans cette démarche il y a la capacité à attirer vers soi ceux qui nous ressemblent ou qui ont besoin de nous. C’est là que la capacité à générer l’envie d’acheter intervient.
Cela oblige les directions commerciales à ne pas vendre plus mais vendre mieux. Et c’est en vendant mieux qu’on vendra plus. Car vendre mieux, ce n’est pas juste faire plus de chiffre d’affaires. C’est gagner en anticipation, en sérénité, en pérennité, en qualité, etc. C’est essentiel pour notre métier.
Social selling ou social sharing, marketing automation, réseaux sociaux, growth hacking…dans la 3e partie de votre ouvrage vous présentez les principales thématiques des technologies commerciales actuelles. Sans elles, pas de vendeur augmenté ?
Nous sommes dans un monde hybride. Cela a toujours été le cas. L’humain s’est développé par sa capacité à inventer et utiliser les outils qui lui permettent de faire plus ou mieux. Donc rien de nouveau. Ce qui change est qu’aujourd’hui ce n’est plus une aide physique qu’apporte l’outil, mais un second cerveau. Nous arrivons dans un monde où l’humain ne sera plus vraiment seul à penser. « Il sera plusieurs » et ce plusieurs est la technologie du 21e siècle.
Je pense bien sûr à l’IA commerciale qui n’est qu’à ses balbutiements. Il est très difficile de prédire aujourd’hui la façon dont une IA pourra jouer au commercial. En revanche, les outils qui augmentent la vente sont assez simples à décrire et prédire. En tout cas pour les dix prochaines années. Cela fait partie des nouvelles compétences des dirco.
Votre livre est enrichi de cas pratiques et de témoignages…
Oui, cet ouvrage est avant tout un voyage personnel vers l’avenir. Mais je ne pouvais le faire seul si je le voulais intelligent. Je suis donc allé voir ceux qui réfléchissent aussi. Prédire l’avenir est un exercice difficile. Si vous visez 5 degrés à côté au départ vous arrivez 1km à côté à l’arrivée. Il était donc important pour moi de connaître précisément l’état de l’art actuel sur tous les domaines pour viser juste et arriver juste. Cela m’a permis aussi de challenger mes confrères sur leurs pratiques. Cela donne au livre une dimension plus dynamique mais aussi beaucoup plus pragmatique.
Les témoignages sont très divers. Il y a ceux qui font, ceux qui font faire, et ceux qui vivent le commerce, tout simplement. J’ai sélectionné chaque intervenant parce que je le/la connaîs et que je sais son engagement dans son métier. Ce sont des passionnés qui ont la tête bien faite et le vécu.
Un conseil pour le futur vendeur augmenté ?
Lisez ce livre ! Votre performance et votre avenir est dedans.
Le vendeur augmenté - Réhumaniser la vente
Telle une machine à gagner des clients, le vendeur du XXe siècle est un « guerrier » de la conquête commerciale. S’il a parfois perdu son rôle de créateur d’émotion, porté par des stratégies déshumanisées, la mutation initiée par le numérique au XXIe siècle change la donne.
Ainsi, là où certains tentent encore et toujours de vendre leurs produits, d’autres ont compris qu’il faut donner l’envie de les acheter. Et la technologie les aide. Pour Vincent Caltabellotta, pas de doute : il ne s’agit pas de remplacer le vendeur mais de l’augmenter !