Scandale des abattoirs, pollutions diverses… Depuis quelques années, la consommation carnée est remise en question. Mais pourrait-on vraiment se passer de viande et de produits animaux à l’échelle de la société toute entière ? Élodie Vieille Blanchard, présidente de l’Association végétarienne de France, tente de répondre à ces questions et dessine des pistes pour inventer un autre monde.
Le véganisme, mouvement social et politique, ou tendance de consommation ?
Forgé dans un esprit d’engagement personnel, mais aussi de transformation du monde, le concept de véganisme est aujourd’hui remis en question par des militants animalistes empreints de radicalité, qui voient dans le véganisme un mode de vie et une tendance de consommation, plutôt qu’une véritable mobilisation contre l’exploitation des animaux. Il est vrai que le « vegan » apparaît aujourd’hui comme une tendance branchée, une manière de vivre « éthico-bobo » qui rencontre du succès dans le grand public urbain et favorisé, indépendamment d’un engagement au service des animaux. Selon celles et ceux qui rejettent l’approche végane, il serait pertinent de remettre les animaux au cœur des discussions, et de se revendiquer antispéciste ou animaliste, plutôt que végane.
En effet, ce dernier terme indiquerait uniquement qu'on s'abstient de nuire aux animaux, mais pas qu’on cherche à les libérer de leur esclavage. Selon beaucoup d’autres, responsables d’associations se réclamant du pragmatisme, entrepreneurs, cuisiniers, ou essayistes, le caractère hybride du véganisme, à la fois engagement politique et mode de vie individuel, constituerait sa force, et l’ignorer vouerait à l’échec toute tentative de le généraliser un tant soit peu dans la société.
D’ailleurs, pourquoi devient-on végane ?
Ma propre réponse serait « pour participer à la constitution d’une masse critique, nécessairement contestataire de l’ordre établi, et destiner à peser dans les choix économiques et politiques ». Les indices que je perçois de l’évolution du monde économique me confirment dans cette idée que nos choix de consommation, lorsque nous sommes nombreux, influencent radicalement les choix de ceux qui mettent sur le marché des produits alimentaires. Le véganisme serait donc le choix de la cohérence individuelle, en premier lieu (ne pas contribuer à des souffrances parfaitement évitables chez des êtres sensibles), mais aussi un acte collectif qui vise à infléchir la consommation, et donc la production de produits animaux à l’échelle de la société.