Pourquoi « capturer » une partie de la valeur créée pour le client et la placer au cœur du processus de vente ? Explications de Jean-Claude Larréché.
Au cours des deux dernières décennies, la vente est devenue de plus en plus professionnelle. La fonction commerciale a acquis le statut stratégique qu’elle mérite et qui lui a été longtemps refusé. Selon l’analyse de Jean-Claude Larréché, elle est parvenue à son statut stratégique actuel dans les grandes entreprises en trois phases majeures qu’il désigne comme les transformations de la vente – et qui ont toutes trois eu un impact significatif sur l’efficacité et le prestige de la fonction.
Les trois transformations de la vente
La première transformation de la vente a renforcé la relation avec les clients, la deuxième a renforcé la relation avec le marketing et la troisième apporte une nouvelle relation et une nouvelle harmonisation du commercial avec la stratégie. Elle confère à la vente une responsabilité accrue en tant que contributrice à la valeur d’entreprise. Elle installe aussi la vente dans une position centrale unique entre les clients, le marketing et la stratégie, tout en valorisant le rôle de la fonction commerciale.
Cette nouvelle priorité stratégique qu’est la création de valeur d’entreprise implique que la vente cherche davantage à « capturer » une plus grande partie de la valeur créée pour le client. Cela suppose de former les commerciaux à la « capture de valeur » : c’est l’essence de la troisième transformation de la vente et le sujet de ce livre. Évidemment, la capture de valeur ne remplace pas la création de valeur pour le client.
Dans la première phase de la vente, les commerciaux doivent démontrer à leurs clients et prospects la valeur de leur offre, tout en suscitant leur intérêt. Cette vente orientée valeur pour le client sera toujours cruciale. Dans la deuxième phase de la vente, les commerciaux doivent parvenir à un accord sur les termes de l’offre avec des interlocuteurs qui sont très souvent des acheteurs professionnels bien formés aux techniques de négociation. Là, il s’agit de capture de valeur : les professionnels de la vente ont pour mission d’engendrer une valeur d’entreprise pour leur firme.
Quelle est la différence entre la valeur pour le client et la valeur d’entreprise, et pourquoi nous en préoccuper ?
Simplement définie, la valeur pour le client est la valeur d’un produit ou service tel que le client la perçoit. La valeur d’entreprise, en revanche, est très différente. C’est la valeur actuelle d’une entreprise – c’est-à-dire ce que quelqu’un serait disposé à payer pour l’acheter, ou plus couramment pour en acheter une partie sous forme d’actions en Bourse. Elle reflète directement la force de l’entreprise et l’efficacité de son équipe de direction.
La valeur d’entreprise est assurément l’indicateur le plus important de la force d’une entreprise car elle influence :
- ce qu’elle vaut pour les actionnaires, les banques et les partenaires financiers (actuels et potentiels) ;
- son attractivité pour les salariés, clients et partenaires commerciaux (actuels et futurs) ;
- sa capacité à réaliser des investissements stratégiques dans l’innovation, les capacités de production, l’expansion géographique et autres domaines ;
- sa puissance par rapport à ses concurrents.
Il a longtemps été admis implicitement dans les conseils d’administration qu’une augmentation du chiffre d’affaires d’une entreprise ferait automatiquement progresser sa puissance et sa valeur. Autrement dit, « plus grand, c’est mieux » (« bigger is better »). À l’orée du XXIe siècle, ce postulat implicite s’est révélé faux : dans bien des cas, il a mené à une destruction de valeur au lieu d’une création de valeur.
Par conséquent, beaucoup d’entreprises se sont recentrées sur leur création de valeur réelle plutôt que sur ce succédané simpliste qu’est l’augmentation du chiffre d’affaires. Ce qui, par ruissellement en leur sein, a entraîné la troisième transformation de la vente et le remplacement du « plus grand, c’est mieux » par un nouvel état d’esprit : « plus riche, c’est mieux » (« richer is better »).
Transformer l’activité pour créer de la valeur d’entreprise
La première transformation de la vente, axée sur l’impératif client, et la deuxième, axée sur l’impératif de l’alignement marketing/vente ont surtout été, pour les professionnels de la vente, des sources d’enrichissement accompagnées d’ordinaire par une augmentation numérique de la force de vente.
Cette troisième transformation de la vente est différente. Côté négatif, certaines forces de vente verront probablement leur taille réduite, et certains professionnels de la vente pourraient ne pas être à la hauteur des nouveaux défis. Côté positif, elle valorisera bien davantage la fonction vente, dont les perspectives et les responsabilités s’élargiront. Cela exigera toutefois des professionnels un nouveau rôle et de nouvelles compétences, en plus de celles existantes.
Cette transformation est un défi majeur pour les commerciaux, priés d’élargir leur activé à de nouveaux domaines, souvent peu familiers pour eux. Entre autres capacités nouvelles, ils doivent apprendre à :
- acquérir une lucidité financière et un sens des affaires solides ;
- intégrer plus d’informations dans le processus vente-négociation, surtout à propos de la dynamique des coûts, de la rentabilité des contrats et de la satisfaction des clients ;
- refuser les contrats qui détruisent de la valeur, même quand ils pourraient apporter du chiffre d’affaires supplémentaire ;
- jongler avec des objectifs multiples. En pénétrant sur le terrain de la création de valeur d’entreprise, vous devez non seulement tenir compte du chiffre d’affaires, mais aussi de la rentabilité, de la force concurrentielle et de la satisfaction du client, entre autres objectifs.
Lorsque vous aurez maîtrisé les fondamentaux de la capture de valeur, vous constaterez que vous êtes capable de dégager plus de valeur non seulement pour vos clients mais aussi pour l’entreprise qui vous emploie.
Vendre et capturer de la valeur - L'objectif stratégique de la vente
Jean-Claude Larréché n’oubliera jamais sa première rencontre avec Tom Werner. Professionnel de la vente, Tom travaillait pour le fabricant d’équipements électroniques Eltron, dont les clients étaient des entreprises de secteurs variés.
Tout était parfait dans le monde de Tom. Du moins jusqu’au jour où sa direction lui fit savoir, ainsi qu’aux autres commerciaux de l’entreprise, que la « création de valeur d’entreprise » serait désormais une priorité et que le système d’intéressement des vendeurs allait être modifié en conséquence.
Tom ne connaissait rien à la finance. Il fut naturellement angoissé par cette nouvelle priorité et par les éventuels effets négatifs de ce nouveau facteur sur sa rémunération.
Il s’est avéré que Tom n’était pas le seul commercial à s’alarmer : beaucoup de ses collègues ont fait part de leurs inquiétudes à la direction. Pour les aider à franchir l’étape de la transformation, l’entreprise a donc organisé un séminaire sur la capture de valeur appelé WAWS, pour « We All Win Selling » (« Nous gagnons tous en vendant »). Cet intitulé avait été choisi pour souligner que la firme entière profiterait de la nouvelle priorité donnée à la valeur d’entreprise et à la capture de valeur.
À leur grand étonnement, Tom et ses collègues ont en réalité été ravis de participer à ce programme. Tom a été soulagé de comprendre enfin la logique de la transformation et ses implications, et en particulier son effet sur sa rémunération. Rassuré, il a apprécié cette occasion d’élargir le champ de ses activités tout en faisant ce qu’il aimait le plus : vendre.
Ce livre est basé sur l’expérience de Tom au sein du programme WAWS. Il vous apportera les outils dont vous avez besoin pour réussir dans la troisième transformation de la vente en vous attachant à la capture de valeur.
Comme Tom, libérez tout votre potentiel pour capturer de la valeur pour vous et pour votre entreprise !