La datavisualisation représente un gros enjeu pour les médias et les grandes entreprises qui ont de plus en plus de données à traiter et à exploiter. Dans Manuel de datavisualisation (Dunod, 2017), Jean-Marie Lagnel explore les enjeux et les outils de la datavisualisation. Il éclaire ici les perspectives de la datavisualisation, communément appelée dataviz.
Parfois la dataviz est assimilée à tort à l’infographie, et la frontière peut être difficile à déterminer, car les combinaisons entre les deux sont fréquentes. Il est possible d’utiliser le terme « design d’information » pour les décrire. Concrètement, l’infographie est réalisée manuellement à l’aide d’un logiciel comme Illustrator. Il s’agit d’un ensemble d’informations mises en scène graphiquement dans le but de délivrer un message et d’apporter une autre dimension à la communication, via par exemple la visualisation des proportions des chiffres.
Une présentation interactive de données complexes
Elle permet d’afficher beaucoup d’informations de natures différentes extraites d’une base de données y compris des chiffres, mots, textes, sous forme d’images ou d’animations, dans le but de synthétiser visuellement une information complexe.
La plupart du temps elle est générée automatiquement par un outil ou via du développement (html).
Parmi les outils connus, on dénombre beaucoup de librairies dédiées, notamment D3.js, créée par Mike Bostock du New York Times, mais on en trouve aussi en ligne, qu’ils soient open source ou payants...
Ils sont nombreux, mais aucun ne permet de répondre à tous les cas de figure à traiter. Il faut donc avoir une bonne connaissance de l’existant pour utiliser tel ou tel outil, selon les problématiques rencontrées.
Certains sont plus puissants que d’autres, ou apportent des options et des fonctionnalités qui peuvent faire la différence lors du choix de l’outil pour créer une forme graphique précise. Par ailleurs, tous ont leur limite (sur les formats d’exports par exemple) ou peuvent être très lents à l’usage. Aussi, on les utilisera pour faire des tests en amont de mise en forme graphique simple, selon les données à traiter, mais ensuite pour obtenir de meilleurs résultats il convient de coder directement à l’aide des librairies comme D3 qui sont personnalisables pour faire du sur mesure.
La dataviz permet aussi d’intégrer des images et des sons, et certains artistes contemporains s’en servent même pour réaliser des œuvres interactives, des vidéos...
Web et open data accélérateurs de la datavisualisation
La dataviz se développe particulièrement depuis quelques années en raison de deux paramètres fondamentaux, l’interactivité due au web et l’arrivée de l’open data associées aux objets connectés.
L’interactivité en premier lieu permet d’explorer des strates de données grâce à des interfaces de visualisation. Fréquemment cela donne lieu à des formes graphiques, des diagrammes qui peuvent sembler nouveaux, voire un peu radicaux ou complexes, mais qui existent souvent depuis très longtemps. Simplement l’arrivée de l’interactivité nous a fait rentrer dans cette dimension dynamique qui permet de jouer avec des transitions pour reconstituer le graphique en cliquant pour explorer, détailler plus profondément les datas.
La deuxième raison qui peut expliquer l’ampleur que prend la dataviz ces dernières années, c’est le développement de l’open data et des objets connectés, qui entraînent un accès très facile à une masse gigantesque de données. Par exemple, chaque individu avec son smartphone génère un nombre conséquent de données qu’il convient de rendre plus lisibles en les représentant sous forme visuelle (tableau de bord) pour les lire plus facilement et les comprendre.
La datavisualisation, un enjeu pour les médias et les entreprises
Aujourd’hui, la presse écrite, autrefois limitée par le format papier, se dote de compléments d’informations interactives, que le lecteur est invité à consulter en ligne sur le site du média pour explorer la profondeur des données et compléter l’information papier. Ainsi on peut même comparer des données récentes avec celles des années passées, visualiser en ligne, ou en utilisant la réalité augmentée, une évolution alors que le papier informe uniquement sur les derniers chiffres disponibles.
La puissance de la dataviz permet une vraie diffusion multimédia sur les différents réseaux ou supports : d’infographies fixes sur le papier, on passe aux gif animés (gifographie), ou en motion design (vidéographie), selon le message ou le contexte...
On dispose aujourd’hui d’une multitude d’options et de formats utilisables pour capter un maximum d’audience via les réseaux sociaux, et l’on peut mettre les versions complètes et complexes sur le web, en extraire des vidéos pour YouTube et des images fixes pour twitter par exemple...
En France, la presse vit une véritable mutation et les quotidiens généralistes se sont enfin dotés de services de data depuis quelques années, comme « les décodeurs » du Monde par exemple, pour permettre grâce à la dataviz au lecteur d’analyser et mieux comprendre les données complexes en devenant un lecteur-acteur.
Au-delà de la presse, la datavisualisation permet aussi d’informer le grand public via des affichages interactifs ou de traiter des flux de données de plus en plus importants dans les grandes entreprises françaises. Mettre en place des systèmes de datavisualisation nécessite beaucoup de pédagogie pour accompagner les entreprises, avec des phases de tests, des POC (Proof of concept) pour envisager toutes les possibilités de traitement des données existantes et définir le bon niveau de vulgarisation. Il faut étudier la meilleure façon de présenter ces données complexes afin d’en permettre la compréhension par différents publics (de l’expert au novice). Ce qui reste une des forces de la datavisualisation.
© Dunod Éditeur, septembre 2017