Avec l’augmentation du nombre d’apiculteurs déclarés chaque année, il est devenu indispensable de fonder la pratique apicole sur un savoir scientifique rigoureux.
Rencontre avec les auteurs Anne Chevais et Yves Berthaud.
Anne Chevais, Yves Berthaud, il existe d’innombrables ouvrages sur l’abeille et l’apiculture. Quelle est l’originalité de celui-ci ?
Yves : Ce n’est pas du tout un livre un livre d’apiculture appliquée. C’est un livre scientifique pour les apiculteurs et apicultrices, et pour toutes les personnes qui s’intéressent aux abeilles. Les références scientifiques jalonnent l’ouvrage.
Anne : c’est un livre scientifique, mais qui souhaite rendre la science accessible voire attrayante. C’était un de nos objectifs importants, nous avons été très attentifs cela.
Yves : tu as mis quelques petites blagues
Anne : et toi quelques petites équations
Yves : Nous avons essayé de faire une passerelle entre l’apiculture et la science des abeilles, cette science s’appelle l’apidologie. Pendant des siècles, l’apidologie a été très peu développée en France et n’a réellement démarré que dans les années 1950 (au contraire de l’Allemagne par exemple). La transmission des savoirs est bien souvent orale avec peu de conceptualisation.
Anne : La science peut faire peur souvent, ça peut rappeler de durs souvenirs scolaires. Le vocabulaire est parfois rebutant. Nous avons fait des efforts d’étymologie ce qui permet de mémoriser des termes compliqués. Par exemple la parthénogénèse c’est quand une femelle engendre des petits sans avoir été fécondée par un mâle, une femelle vierge en quelque sorte. Et bien le temple du Parthénon était dédié à Athéna qui était une déesse vierge.
Yves : Comprendre comment fonctionne la science c’est important pour les apiculteurs. Les connaissances scientifiques sont évolutives et les vérités ne sont pas définitives. De nouveaux faits sont découverts, de nouvelles maladies apparaissent, il faut se former pour pouvoir s’adapter.
Anne : Nous en avons profité pour présenter une perspective historique dans beaucoup de chapitres. On a détaillé la vie de personnages plus ou moins célèbres qui ont contribué à l’amélioration des connaissances en apidologie. On a écrit un chapitre sur les apicultrices qui ont été invisibilisées. On a voulu redonner à la science son visage humain.
Yves : c’est important de faire ressortir les contextes dans lesquels s'est déroulée l'évolution des concepts. Nous avons expliqué une partie du cheminement des chercheurs, leur curiosité, leur créativité. C’est une démarche logique et minutieuse, qui demande de la persévérance. On a détaillé la méthode qui a permis d’obtenir les résultats. On a voulu mettre en évidence les raisons pour lesquelles on peut avoir confiance dans la connaissance.
Je découvre le livre "Connaissance des abeilles"
Pourriez vous nous donner un exemple :
Yves : Nous avons réfléchi, et nous ne sommes pas les seuls loin de là, à nous intéresser à l’adaptation des abeilles aux variations de température tout au long de l’année. Quand on est apiculteur on a envie de protéger les abeilles du froid.
Anne : C’est souvent un problème avec les abeilles, de croire qu’elles sont comme nous. On a appelé le chapitre « bilan thermique » pour faire référence à nos maisons, et justement expliquer que ce n’est pas du tout la même chose, qu’il faut toujours avoir en tête de se méfier de l’anthropomorphisme
Yves : On peut calculer (et mesurer) combien une abeille émet de chaleur, une grappe en hiver de 10 000 abeilles donne une puissance d’une dizaine de watts. Ce qui est important de comprendre c’est que le métabolisme de l’abeille varie en fonction de la température. Les abeilles sont au minimum de leur consommation d’oxygène pour une température de 5-6 °C
On peut calculer les pertes par conduction qui …
Anne : La conduction thermique c’est le déplacement de la chaleur du chaud vers le froid.
Yves : Oui c’est ça. Elle dépend des propriétés de l’isolant, de sa surface et de la différence de température de part et d’autre de l’isolant. On peut calculer que dans une ruche Dadant sans isolation particulière, pour une température extérieure de 0 °C, il faut que la grappe émette 30 W ce qui est possible s’il y a suffisamment d’abeilles. On peut isoler un peu, mais pas trop non plus. Sinon le métabolisme de l’abeilles qui était au minimum par grand froid, va augmenter. Si les abeilles ont chaud elles s’écartent les unes des autres et la grappe se disloque. Elles se mettent à s’agiter, elles consomment leurs réserves et la ponte repart trop tôt (et de plus cela nous pose des problèmes dans notre lutte contre varroa).
Alors dites-moi, les abeilles vont-elles disparaitre ?
Yves : Il faut distinguer les abeilles domestiques et les abeilles sauvages, le problème n’est pas le même.
le monde, le nombre de ruches augmente. Il ne faut donc pas désespérer. Bien sûr le combat contre les industries phytosanitaires n’est pas encore gagné, heureusement qu’il y a des militants qui luttent contre ces lobbys. Il n’en reste pas moins que certains territoires sont dévastés par les produits chimiques rémanents et ne peuvent plus accueillir d’abeilles.
Yves : Il y a aussi le problème des monocultures intensives. Les abeilles ont besoin d’une alimentation diversifiée, les haies et les fleurs se font rares dans les champs. Nos ruches en banlieue parisienne se sont pas confrontées aux monocultures !
Anne : Tout ça fait disparaitre les abeilles sauvages et les insectes pollinisateurs. Les abeilles sauvages sont encore très mal étudiées. On ne connait pas les conséquences du réchauffement climatique sur les abeilles sauvages, les abeilles charpentières semblent en bénéficier et les bourdons sont en voie d’extinction.
Yves : Les bourdons font partie de la famille des abeilles, même si leur nom est beaucoup moins médiatique
Anne : Les humains ont absolument besoin des abeilles, il y va de notre survie il faut prendre soin d’elles
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