Rencontre avec Véronique Suissa, Serge Guérin, Philippe Denormandie autour du lancement des Etats Généraux de la seniorisation de la société
On les connaissait pour avoir co-dirigé la publication d’un ouvrage collectif, " Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour ou Contre ? " , chez Michalon. Ouvrage de référence qui fut une première en France et même en Europe. Nous retrouvons ces trois acteurs du champ de la santé complémentaire (Serge Guérin, professeur de sociologie à l’Inseec GE, Véronique Suissa, docteur en psychologie à Paris VIII, Dr Philippe Denormandie, chirurgien de renommée mondiale) à la manœuvre pour initier les Etats Généraux de la seniorisation de la société. Initiative phare qui peut contribuer à bouleverser la manière de percevoir l’organisation du soutien aux aînés fragilisés et qui entend tirer les leçons pour l’accompagnement des plus âgés de la crise sanitaire que nous vivons.
Vous venez de lancer les Etats Généraux de la seniorisation de la société, en pleine crise du Covid-19, pourquoi ?
Nous sommes partis du constat que la crise du Covid-19 fonctionne comme un révélateur tragique de la condition faite aux aînés. Elle en dit aussi beaucoup sur l’indifférence pour les femmes et les hommes qui, comme professionnels ou aidants, accompagnent au quotidien à domicile, dans des résidences collectives ou en maison de retraite, les plus fragiles. La crise sanitaire que nous vivons est aussi une crise morale : nous avons choisi collectivement d’oublier les vieux. Le Covid-19 a exacerbé les enjeux liés à la séniorisation de la société pointant brutalement la fragilité structurelle de l’ensemble du système médico-social d’accompagnement.
On a bien vu le manque de moyens et de personnels dans les services d’aides à domicile et dans les maisons de retraite. Mais surtout, l’isolement dramatique des aînés et des aidants, l’invisibilité des âgés et l’inadaptation des systèmes aux modes de fonctionnement des plus vieux.
Du coup, vous avez lancé les Etats Généraux de la seniorisation de la société ? Pari risqué en plein confinement !
Oui, nous qui avions formé un trio complémentaire pour conduire la publication d’un ouvrage collectif, centré sur les médecines complémentaires, nous sommes repartis sur un projet collectif nécessaire dans la période. Notre idée : constituer un groupe d’experts, d’acteurs impliqués dans le domaine, porteurs de solutions concrètes, pour contribuer à faire émerger une loi Grand Âge adaptée aux usages, attitudes et modes de vie des aînés. Il ne s’agit plus de penser avec les réflexes d’avant, mais de faire turbuler les organisations, de réinventer les coopérations, de prendre en compte les apports des technologies, et surtout de faire « avec » et non « pour » les citoyens. Même confinés, nous réfléchissons mieux à plusieurs !
Comment vous êtes vous organisés et à qui avez-vous fait appel ?
Avant tout, nous avons ainsi mis en place une méthodologie de travail, dressé les principaux enjeux. En quelques jours, nous avons passés de très nombreux coups de fils. L’ensemble des personnes contactées, a répondu présent : Joël Jaouen, Président de France Alzheimer, Laurent Piolatto, délégué général de Lire et Faire Lire, Dominique Fabre, secrétaire générale de la CFDT Retraités… Car pour nous, il s’agissait que les aînés, les seniors, les vieux soient mobilisés. On pense bien trop souvent « pour eux » et non « avec eux ». Mais nous avons aussi regroupé des acteurs du champ de la santé, tel que le Professeur Berrut, Fondateur du Gérontôle des Pays de la Loire ou le Dr. Arnaud Caupenne, porte parole de l’association des jeunes gériatres, Yvan Krakowski, président de l’AFOSOS, Emmanuel Jammes, délégué national des politiques de santé à la Ligue Nationale contre le cancer, Lamine Gharbi, président de la FHP ou David Gruson, l’ex-Délégué Général de la FHF et fondateur de Ethik-IA, en passant par Jean-Michel Ricard, co-fondateur et président de Siel Bleu, Jean-Philippe Arnoux, directeur de la Silver économie de Saint Gobain Pierre-Olivier Lefebvre, délégué général du Réseau Francophone Villes Amies des Aînés, ou Jean-Marc Blanc, Directeur de la Fondation I2ML de l’Université de Nîmes, et bien d’autres encore tous se sont mobilisés pour réfléchir ensemble.
Vous avez aussi impliqué un grand nombre de politiques, y compris d’anciens ministres de la santé ?
Oui, nous avons souhaité élargir la démarche en nous adressant à des politiques intégrant d’anciens ministres, comme Xavier Bertrand, qui préside la Région Haut-de-France, Michèle Delaunay, Myriam El Khomri, Jean Gatel, Élisabeth Hubert ou encore Marie-Anne Montchamp, qui préside la CNSA, des députés (Philippe Berta, Jeanine Dubié, Audrey Dufeu-Schubert, Agnès Firmin Le Bodo et Cédric Villani), des élus locaux…. L’Assemblée des Départements de France nous a également rejoint comme en tant que telle.
Ou en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous sommes engagés dans une démarche réflexive collégiale ayant conduit à un ensemble varié de propositions. Chacun également travaille autour d’une question concrète et faisant sens afin de répondre aux enjeux de la séniorisation de la société. Les 58 contributions en cours d’écriture doivent permettre de croiser les expertises et de proposer des pistes structurantes en faveur d’une politique efficiente et bienveillante des âges. Il s’agit de tirer les leçons de la crise du Covid-19 pour porter une réflexion nationale autour de la future Loi Grand Age.
Si parmi les contributeurs, des retraités, des aînés et des soignants se sont mobilisés, notre démarche n’a de sens que si les Français peuvent intervenir sur des propositions concrètes en vue de faire avancer la cause du Grand Âge. Avec le collectif, nous avons retenu une série de 52 propositions actuellement disponibles sur le site dédié aux territoires, qui touche plus de 250 000 acteurs et élus locaux. Le vote va durer jusqu’au 30 avril. Il s’agit de voter mais aussi de formuler ses propres propositions. Pour le collectif, il s’agira alors d’amender, si nécessaire, les propositions initiales et proposer d’autres pistes au regard de la consultation citoyenne. Certaines des propositions retenues par la consultation citoyenne – les plus plébiscitées – seront ensuite analysées par l’Institut de sondages Via Voice.
À l’issue de cette consultation, nous présenterons un rapport définitif coconstruit avec les citoyens, les élus et les acteurs de terrain auprès de nos responsables politiques. Notre enjeu c’est bien que la Loi Grand Age, prenne en compte la situation de crise que nous vivons et que la parole des aînés soit écoutée et présente.