Vers une autre vision de l’accompagnement et du soin pour les patients, leurs proches et les soignants !
Pratiques complémentaires et COVID : réalisations et perspectives
Pr Antoine Bioy
Assumons le luxe d’oser en parler au passé
La crise que nous venons de traverser a testé avec violence non seulement l’organisation de notre système de santé mais aussi ses fondements. Si elle a mis en exergue ses failles, il est intéressant de constater qu’elle a aussi été l’occasion d’une révolution positive.
Dans une France dont la boussole thérapeutique a longtemps placé le médicament en son Nord, et parce que depuis le rapport d’Edouard Zarifian en 1996 [1], nous savons que les français sont très consommateurs de psychotropes, le pari d’une campagne pro-médicament aurait été logique. Après-tout, quelques années plus tôt, déjà il était prescrit de se rendre chez son médecin généraliste en cas de dépression pour voir ce que la chimie pouvait apporter comme bénéfices. Alors évidemment face à une pandémie particulièrement incertaine dans son devenir, son niveau de mortalité, ses modes de propagation ; dans une situation où il fallait se confiner (situation inédite depuis plus d’un siècle), il était attendu que les messages de prévention soient autour du médicament. En clair, un message du type « prenez rendez-vous (même en téléconsultation !) chez votre médecin, pour évaluer le bénéfice possible d’anxiolytique ou d’antidépresseurs ». Et il n’en a rien été ! C’est même l’inverse qui s’est passé…
Durant cette période, à notre connaissance, aucun message des autorités de tutelle, de sociétés savantes, de groupements professionnels n’a été tourné vers le médicament pour les confinés ou les soignants afin qu’ils affrontent cette situation inédite [2]. Ce qui a été prôné sont les pratiques occupationnelles (développer un hobby, prendre le temps de retrouver la lecture, etc.) et surtout les pratiques dites complémentaires [3] : méditation, relaxation, yoga, autohypnose… et bien évidemment la pratique de l’activité physique, d’une bonne hygiène alimentaire, de trouver de nouvelles modalités de liens avec les collègues, les amis, la famille… Il est d’ailleurs assez incroyable de se rendre compte du nombre de personnes qui pensaient être allergiques aux écrans et qu’y s’y sont mis avec une relative facilité ; de même qu’il a été très habituel d’entendre des collègues dire « je me suis mis à la téléconsultation, je ne pensais pas, mais c’est très intéressant, il se passe plein de choses ». Et oui… la relation est partout, la qualité de présence transcende les écrans, l’humain ne s’arrête pas aux portes de la technique.
Voir également : De la crise du covid aux premiers états généraux de la séniorisation de la société
Concernant les soignants, dans de nombreux hôpitaux des salles de détente ont été aménagé avec des pratiques corporelles (danse, Qi Gong…), de la musicothérapie, des casques de réalité virtuelle, de la pleine conscience, etc. D’autres structures (EHPAD, etc.) out aussi mis en place des mesures spécifiques. Au-delà, des pratiques déjà existantes se sont développées comme la méditation pleine conscience pour les soignants au CHU de Bordeaux (Pr François Sztark, Dr Marie Floccia). Même la sensorialité a été à l’honneur avec des repas améliorés (partenariat AP-HP, Fondation de France). Et toujours pas de médicament ! Les lignes d’écoute se sont développées en région comme en national, avec cependant des taux d’appel globalement en dessous de ce qui était attendu. Je me permets de formuler deux hypothèses : le recours à une écoute psy pouvait être perçue comme «dangereuse» (risque de déstabilisation voire d’effondrement si on « se laisser trop aller » ) ; et aussi que la plupart des lignes téléphoniques de pouvaient assurer que ce serait le même écoutant d’un appel à l’autre, ce qui est une limitation « au dire ». A retenir pour la prochaine fois…
Je ne prétends pas que tout a été idyllique et qu’il y avait des moyens techniques, humains et financiers à foison et pour tous. Dans notre précédente newsletter, l’équipe du Dr Dominique Januel (Ville-Evrard) témoignait aussi de difficultés dans des secteurs comme la psychiatrie, ou des régions « oubliées » comme le 93. (voir l'article Psychiatrie à l’ère du confinement : la guerre est déclarée) Mais dans ce qui a été fait partout où cela a été possible, se sont ces dispositifs que nous venons de nommer qui ont été plébiscités. Et toujours pas de médicament !
Je veux y voir un événement important. D’une part, ces pratiques dites complémentaires sont à la fois reconnues dans leurs atouts et dans leur articulation avec la médecine « orthodoxe. » D’autre part, les situer en première ligne d’aide voire en première ligne thérapeutique est une véritable révolution ! L’annonce d’un bouleversement du paradigme dominant essentiellement centré sur l’interventionnel et le médicamenteux. J’ai déjà écrit plusieurs fois combien le modèle bio-psycho-social est déjà une impasse et que l’intégrativité doit être le modèle dominant ; intégralité des approches et des modèles les uns aux autres. Mais il me semble que l’on peut même ici rêver plus, et aller vers un modèle non pas intégratif mais inclusif. Autrement dit, que la quintessence de la méditation, de la communication hypnotique, etc. soit enseignée dans toutes les formations initiales en santé, avec une information sur l’ensemble de ces pratiques pour aider les prescripteurs à bien accompagner les patients dans les choix thérapeutiques à effectuer. Pratique inclusive ne veut pas dire par exemple que tous les médecins doivent faire de l’hypnose, mais que la communication hypnotique devrait faire partie des pratiques courantes en médecins et que si l’hypnose est vue comme une pratique à prolonger pour tel patient, alors des spécialistes formés pourraient aller plus loin.
C’est ce projet que je retrouve dans l’esprit au CUMIC - dont j’ai le plaisir d’être membre - et que nous présente maintenant le Pr jacques Kopferschmitt.
La période actuelle a t- elle été favorable à un recul et une nouvelle réflexion sur certaines thérapies dont les patients ou usagers nous parlent régulièrement ?
Pr J.Kopferschmitt
Ces récits sont l’objet d’un mouvement ondulatoire et récurent, de débats voire de contestations sur la diversité des soins, et certains imaginent que l'université va être « envahie » par des approches thérapeutiques non validées. Des arguments qui nous ont quelque peu éloigné de certains de nos voisins européens. Le risque de dérive existe de longue date, et d’autant plus s’il n’y pas de consensus national sur les mots et les objectifs, pourtant déjà bien exposés par l’Académie de Médecine en 2013. Mais le débat est nécessaire : comment peut-on tolérer que les professionnels de santé et à fortiori des étudiants ne soient pas avertis autant des bénéfices que des dérives. Il y a une certaine urgence maintenant. Nous souhaitons l’alignement sur la directive de l’OMS 2014-2023, qui souligne l’importance de la médecine intégrative dans les soins. Hélas, la France est déjà très en retard par rapport aux autres pays européens. Nous ne pouvons pas passer à côté de cette réflexion et les facultés ne peuvent plus rester hors du champ. L’ampleur de la tâche est immense, mais l’enthousiasme est là !
La configuration actuelle tant scientifique que sociétale nous paraît propice, à la création d'un collège national en 2018 : le Collège Universitaire de Médecines Intégratives (associant médecines conventionnelles et complémentaires) et complémentaires est une opportunité du changement).
Il permettra d'offrir, au sujet de l’évaluation des thérapies complémentaires et de la relation thérapeutique, une réflexion et des réponses collégiales, interdisciplinaires et universitaires aux pouvoirs publics, aux instances universitaires, aux professionnels de santé aux usagers et patients du système de santé.
La Commission 12 de l'Académie Nationale de Médecine (ANM), dans son rapport de 2013 sur les thérapies complémentaires, a émis en particulier les recommandations suivantes :
Information sur les thérapies complémentaires au sein de l'enseignement du 2 ème cycle des études de médecine, en donnant aux étudiants des éléments de réflexion argumentés sur les résultats, les limites et les dangers des thérapies complémentaires,
Recommandations sur la recherche en thérapie complémentaire, notamment pour les approches psychocorporelles, en soulignant les difficultés méthodologiques liées en particulier à la suggestibilité des patients et à la difficulté d’étudier un groupe contrôle.
La réforme en cours du 3ème cycle des études de médecine, avec la mise en place des enseignements transversaux de la phase socle du nouvel internat, ainsi qu’à un horizon très proche des formations spécialisées transversales (FST), sont l’occasion de réfléchir au contenu des enseignements transversaux en lien avec la prise en charge personnalisée du patient et la médecine intégrative.
Vers une autre vision du soin qui intègre la notion de santé dans toutes ses dimensions actuelles ?
La subjectivité de nombreuses situations en particulier douloureuses, comme nous les vivons à notre époque et exacerbées ces dernières semaines, conduit malheureusement certains cliniciens à une analyse clinique insuffisante, voire sous-évaluée. En outre le «raz de marée» des maladies chroniques ajoute une majoration à la notion de complexité médicale. Les seuls immenses progrès des thérapies conventionnelles, dominés par le médicament ne sont plus l'unique réponse attendue. Que cela concerne les enfants, les personnes âgées ou des patients sans diagnostic étiologique précis, toutes les formes de douleur deviennent un fil conducteur essentiel pour une nouvelle relation soignante. Les principes éthiques d'un pluralisme thérapeutique ont émergé avec la médecine intégrative. Le champ très vaste de toutes ces affections complexes s’offre à de nouvelles possibilités comme l'aromathérapie, la médecine traditionnelle chinoise, les massages, l'hypnose, les relaxations, la méditation et toutes les techniques psychocorporelles, pour ne citer que quelques exemples, etc... Encore faut-il maitriser le bon choix et l'utilisation de ce panel thérapeutique. Bien sûr on parle d'approches validées, efficientes et sans risque. Les besoins sont immenses, le public est demandeur, les preuves encore insuffisantes. Seule une profonde réforme vers une médecine intégrative est envisageable, mais pas sans le concours de l'université, des chercheurs et des cliniciens. Un moratoire thérapeutique, sans a priori initial» et favorisé par les autorités apportera de nouvelles perspectives inédites pour les patients douloureux.
C’est pourquoi Promouvoir, Encadrer et Valider ces thérapies, est justement l’objet du Collège Universitaire de Médecines Intégratives et complémentaires.
Il est temps de faciliter les partages d'expériences en décloisonnant les savoir et les compétences, de former solidement les soignants, et de mettre en place un observatoire des pratiques et événements indésirables ». Il en est persuadé, ces techniques non médicamenteuses limiteront les prescriptions médicamenteuses et examens inutiles et aideront à garder une meilleure santé. Le regard porté vers d'autres cultures du soin est le vecteur de cette complémentarité. Une certaine forme de mondialisation» pour le bénéfice du plus grand nombre. Mais attention il y là aussi une dimension éthique de l’accessibilité aux soins. Tout cela entre bien dans le rôle du CUMIC vis-à-vis de tous les partenaires sociaux et sociétaux.
Nos objectifs sont les suivants : nous souhaitons d’abord promouvoir une évaluation des thérapies complémentaires et de leurs bénéfices, pour les patients et la société, évaluation nécessairement scientifique, de qualité et adaptée aux particularités des différentes méthodes de façon à sortir de l’impasse actuelle. Les collaborations de tous ceux qui sont concernés sont attendues.
Ainsi le Collège Universitaire de Médecines Intégratives et Complémentaires à partir d’un groupe interdisciplinaire d’universitaires, souhaite répondre concrètement aux missions suivantes :
- Promouvoir et encadrer les enseignements et les formations universitaires sur l’approche intégrative et personnalisée des patients ainsi que sur les thérapies complémentaires. Un des objets les plus imminent est la création d’un enseignement pour tous les professionnels, leur permettant de répondre aux demandes des usagers. Il ne s’agit spécifiquement d’un savoir-faire et de se focaliser sur l’aspect purement technique, mais d’un savoir écouter, conseiller et orienter dans un nouveau cercle de compétences en toute sécurité. L’heure n’est plus au déni.
- Promouvoir, dans le domaine de la santé, la recherche et l’innovation, en termes de soins et de prévention sur la médecine intégrative et les thérapies complémentaires. Il s’agira notamment d’encourager l’innovation en recherche méthodologique sur ces thématiques, et de développer des études médico économiques prenant en compte l’efficience de telles prises en charge, et concourant à la limitation de l’iatrogénie ou tout effet indésirable, et des hospitalisations inutiles qui en découlent.
- Être l’interlocuteur des instances universitaires, des pouvoirs publics, des organismes représentatifs des professions de santé et des associations d’usagers et de patients sur ces thématiques,
- Mettre en place les bases d’un observatoire des pratiques et des événements indésirables.
- Promouvoir le partage d’expériences et de ressources méthodologiques avec d’autres professionnels notamment des sciences humaines.
- Promouvoir des études au niveau national, et international sur ces thématiques, et promouvoir leur harmonisation européenne.
Le CUMIC souhaite l’intégration des méthodes qui auront démontré leur intérêt thérapeutique dans les parcours de soins (ville et établissements) en complément des pratiques conventionnelles et aider à leur structuration en termes de réglementation, de qualité des formations, d’information des patients et des professionnels de santé, de modalités d’accès.
Antoine Bioy : nous passons maintenant à une illustration forte de la façon dont - sur le terrain - l’aide s’est organisée, en accord avec les principes vus précédemment.
Coordination des soins de support pendant l'expérience COVID 19 : l'expérience du CHU de Nantes et du groupe hospitalier de territoire de Loire-Atlantique (GHT44)
Pr Julien Nizard (1), Dr Aurélie Lepeintre (1), Anne-Sophie Maure de Lima (2)
(1) Service Douleur Soins Palliatifs, Soins de Support, Médecine intégrative, CHU Nantes(2) Direction des Usagers, des Services aux Patients et des Partenariats innovants, CHU Nantes
L'épidémie de COVID 19 a permis la mise en place rapide d'une coordination de soins de support au sein du CHU de Nantes et du groupe hospitalier de territoire de Loire-Atlantique (GHT44), sur les thématiques des soins palliatifs, de l'éthique, du soutien psychologique et de l'accompagnement des patients, mais aussi des familles et des professionnels de santé hospitaliers.Il s'agissait, en sus de la réflexion médicale sur la prise en charge aiguë des patients COVID, d'étendre la réflexion autour des aspects davantage chroniques de cette prise en charge, ainsi que sur l'aide aux professionnels de santé hospitaliers dans ce contexte spécifique.
Cette coordination rassemblait différentes organisations :
- des services hospitaliers spécialisés : services de réanimation, de gériatrie, douleurs et soins palliatifs et de support ;
- le Collège des psychologues hospitaliers, des acteurs de la psychiatrie de liaison et de la cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP)
- la consultation d'éthique clinique du CHU et le groupe nantais d’éthique dans le domaine de la santé (GNEDS) ainsi que l'espace régional d’éthique des pays Loire
- en lien avec la direction des usager et services aux personnes (DUSSPI), la direction qualité de vie au travail et le service de santé au travail.
Cette coordination devait s'entendre en fonction :
- de l’objet « ciblé »: prise en charge des patients, soutien psychologique et social, réflexion éthique,
- du public « ciblé » : patients, familles et proches, professionnels, CHU, groupe hospitalier territoire, département, région.
La figure 1 précise les différentes dimensions de cette coordination. Au 11 mai 2020, deux mois après le confinement, cet article propose un premier bilan ainsi que des perspectives de travail liées à la levée du confinement.
Prise de décision médicale, avis éthique pour patients COVID
Afin d'aider les professionnels de santé de l'établissement et du territoire à la prise en charge éclairée des patients COVID ont été mis en place différents avis et recours spécialisés complémentaires :
– un avis de réanimation, avec la possibilité d'appel d'un médecin de médecine intensive et réanimation 24 heures sur 24 avec un numéro d'appel dédié, - un avis gériatrique, avec la possibilité d'appel d'un gériatre 24 heures sur 24 avec un numéro de portable dédiée, mise à disposition également des établissements hospitaliers pour personnes dépendantes EHPAD,
– un avis de soins palliatifs et de support, avec la possibilité d’appel d'un médecin de soins palliatifs 24 heures sur 24 7j/7,
– un avis éthique : soit dans le domaine du soin avec recours à la consultation d'éthique clinique, soit dans le domaine de la recherche avec sollicitation du Groupe Nantais d'Ethique dans le Domaine de la Santé (GNEDS)Concernant la coordination de soins palliatifs, une astreinte territoriale de soins palliatifs a été mise en place. Il s'agissait d'un dispositif jamais expérimenté sur le territoire. Son pilotage était assuré par le CHU en lien avec la coordination des équipes mobiles de soins palliatifs du département 44. L'astreinte était assurée par 14 médecins de soins palliatifs du territoire, des 2 réseaux de soins palliatifs et du Centre anticancéreux.
L'objectif était d'assurer une continuité dans l'aide à la gestion des symptômes terminaux, et reposait sur l'organisation déjà existante (9 heures à 18 heures les jours ouvrables), complétée d'une couverture nuits et week-end.
Initialement, deux lignes d'astreint ont été ouvertes : l'une hospitalière, à destination des médecins hospitaliers et l'autre extrahospitalière à destination des médecins libéraux. Du fait d'une sollicitation limitée par les acteurs concernés, une seule ligne d'astreinte a été maintenue jusque fin avril et l'astreinte a pu être suspendue le 6 mai 2020.
Soutien psychologique des patients hospitalisés
– Lorsqu'il s'agissait de patients en soins palliatifs, l'accompagnement psychologique a été mis en place par les 3 psychologues à mi-temps de l'équipe mobile de soins palliatifs et de l’unité fixe de soins palliatifs.
– Pour les patients COVID non en soins palliatifs : un binôme de psychologues référents a été mise en place dans les unités COVID, pour la prise en charge des patients et une évaluation des besoins en proximité, que les psychologue ont traités ou orientés vers d'autres professionnels.Le collège des psychologues a pourvu à la constitution de ces binômes de psychologues dans ces Unités COVID.
– Pour les unités restées non COVID: soit le service disposait déjà d’un psychologue habituellement et le principe de cette organisation était maintenue en anticipant une 2e ligne ; soit le service ne disposait pas d'un psychologue habituellement et la psychiatrie de liaison pouvait être sollicitée comme avant la période épidémique.Soulignons que les psychologues sont intervenus dans les services du CHU dans les mêmes conditions de protection que les soignants de chaque unité.
Accompagnement des familles et des usagers
Différents dispositifs ont été mis en place pour aider les familles et les proches. Cette démarche nous a semblé capitale, tant la qualité de la relation des familles avec le monde hospitalier a pu être bouleversée par l'épidémie COVID.
a) A distance, un numéro d'appel unique a été mise en place du lundi au vendredi de 9 heures à 18 heures, pour décharger les services de soins et orienter au mieux les usagers en fonction de leurs besoins, mais aussi pour répondre demande d'information médicale d'orientation psychologique ou sociale ou gérer une réclamation.
b) Les accueils physiques ont été renforcés et les process adaptés face aux difficultés associées aux contraintes engendrées par l'épidémie : accompagnement renforcé des équipes d'accueil et prise de relais par la cellule téléphonique précitée ou par des professionnels médiateurs en cas de tension entre les famille et les soignants ou les agents de sécurité.
c) Mise en place d'un dispositif de soutien aux familles endeuillées
Ce dispositif a été porté conjointement par l'équipe mobile de soins palliatifs (unité fonctionnelle du Service douleurs soins palliatifs, soins de support) et la direction des usager, en lien avec les travailleurs sociaux et les psychologues affectés dans les services.Cette démarche innovante a permis de recontacter l'ensemble des famille endeuillées, soit près de 400 familles entre le 15 mars et le 15 mai 2020, dont 60 en lien avec le COVID, pour faire le point sur leurs besoins, et les informer du dispositif de soutien psychosocial mis en place au CHU de Nantes.
Le temps moyen passe avec chaque famille était de 25 minutes. Les médecins, cadres de santé, infirmiers, psychologues et assistants sociaux ayant réalisé ce soutien aux familles endeuillées ont recueilli de très bons retours des familles sur ce dispositif, comme concernant la qualité de la prise en charge au CHU de Nantes.
Ce dispositif nous a également paru positif pour lever des incompréhensions, de la frustration voire de la colère ou même une démarche de plainte, vis-à-vis des conditions restrictives de visite en amont du décès, de l'organisation complexe des obsèques et du manque de soutien physique des familles aux patients.
d) Plateforme d’accompagnement patients-usagers
De nouveaux services ont été mis en place en réponse à d'autres besoins associés au confinement et/ou à l'interdiction des visites : nouveaux protocoles d'accompagnement des patients et des familles concernant les visites, les situations de fin de vie, l'intervention d'une personne du culte; de nouveaux services au patient : lien entre l'extérieur et l'intérieur de l'hôpital, gestion du linge du patient, dépose d'autres objets pour les patients, dispositif ou d'accompagnement associatif, service de divertissements patient/résidents etc...Cette plate-forme a permis une meilleure gestion des effets personnels des patients, la livraison de divertissements, le passage d'appel en vision conférence type WhatsApp ou Skype, la programmation des visites en EHPAD, la production d'attestations et des accompagnements divers.
Elle a recueilli 10 à 15 appels par jour, et le retour des usagers et des équipes a été très favorable.
Après présentation de ces mesures d'accompagnement des familles et des usagers au Comité Stratégique (COSTRAT du CHU, comité décisionnel en matière l'épidémie COVID), et en commission médicale d'établissement (CME), il a été décidé la poursuite ces deux dispositifs au-delà du mois de mai 2020. Pour le soutien aux endeuillés, une réflexion est engagée sur le plus long terme, en lien avec les travaux initiés sur l'accompagnement face au décès au sein du comité droit des patients.
Soutien aux professionnels hospitaliers
Les professionnels du CHU ont pu bénéficier de différents dispositifs complémentaires, visant à simplifier leur vie quotidienne, et limiter les conséquences du stress, des troubles du sommeil et des troubles musculosquelettiques liés à l’épidémie.
a) Soutien psychologique des professionnels
Une plateforme de soutien téléphonique a été mise en place, composée de psychologues cliniciens du Pôle Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie et de psychologues du Service de Santé travail. En cas de besoin, ceux-ci ont pu relayer les prises en charge vers un centre médico- psychologique ou un praticien de proximité hospitalier ou libéral.
Le nombre d’appels a été limité à une quinzaine dans une période de 6 semaines, avec une durée d’appel d’une quarantaine de minutes.
Plusieurs explications peuvent être proposées pour expliquer ce recours limité : les soutiens ont beaucoup eu lieu en interne aux équipes, souvent de manière informelle ; les personnels ont pu craindre de recourir à une ligne téléphonique sans garantie d’anonymat ; en cas d’appels répétés, le psychologue répondant n’était pas forcément le même.
Cette plate-forme de soutien téléphonique a été interrompue début mai 2020 avec une bascule de la ligne sur le secrétariat du service santé au travail qui assure le relais vers un professionnel de proximité au besoin.
b) Services aux professionnels : pour permettre la poursuite de l’activité professionnelle dans les meilleures conditions possibles : accès aux transports urbains, garde d’enfants, possibilité d’accès aux écoles primaires et aux centres de loisirs municipaux lors des congés scolaires.
c) Offres en proximité
- Mise en place de consultation d’acupuncture médicale et de médecine manuelle-ostéopathie médicales, par des praticiens du Service Douleur Soins de Support, à destination du personnel du CHU (une demi-journée hebdomadaire pour chacun des praticiens).
- Réflexion sur une offre de méditation ou d’hypnose médicale en pratique de groupe, ces thérapies psychocorporelles étant réalisées par des professionnels qualifiés du CHU.
- Lieux de respiration au niveau de chacun des 3 sites du CHU
d) Accompagnements collectifs
- SAS de transition, animés par des psychologues du CHU à destination en priorité des professionnels des unités COVID qui redeviennent non COVID, et aux services qui auraient besoin d’un temps d’échanges dans la transition post-crise/déconfinement.
- Sur demande des cadres et des chefs de service : groupes de parole, soutien d’équipe animés par le collège des psychologues, des psychologues santé au travail ou du Service Douleurs Soins de Support. Des accompagnements ont été mis en place particulièrement dans le service de maladies infectieuses, les réanimations, la médecine aiguë gériatrique la virologie.
Ces dispositifs de soutien aux professionnels pourraient être pérennisés sur le moyen terme.
Aide à la démarche éthique, clinique et de recherche
- La consultation d’éthique clinique (CEC) a pu accompagner les équipes de soins en cas de situation éthiquement difficile nécessitant une concertation pluridisciplinaires.
- Le groupe nantais d’éthique dans le domaine de la santé (GNEDS) a accompagné les équipes de recherche pour les aspect éthiques liés aux protocoles de recherche COVID.
- La cellule d’appui éthique régionale a mis à disposition des outils en ligne d’aide à la décision éthique. 15 demandes d’avis ont été formulées, dont une majorité en provenance des EHPAD.
- Cette cellule d’appui régionale a également participé aux travaux du comité scientifique COVID-19 mis en place par l’agence régionale de santé de Pays de Loire pour accompagner la stratégie de tests à visée diagnostique dans les établissements médico-sociaux.
En conclusion
L’épidémie COVID-19 a permis la mise en place rapide d’un dispositif large de soins de support au sein du CHU de Nantes et du groupe hospitalier de territoire de Loire-Atlantique. Le dispositif, initialement limité au CHU a rapidement été étendu aux établissements privés et du groupe hospitalier de territoire.
Nous avons décrit l’offre complémentaire et innovante qui s’est mise en place à la fois pour les patients et leurs proches, mais aussi pour les professionnels, l’aide proposée pouvant être individuelle mais également concerner des équipes de soins durement éprouvées pendant l’épidémie.
Il faut souligner la réactivité et l’adaptabilité des réponses qui se sont mises en place sur une période courte, et dont plusieurs nous paraissent devoir être pérennisées, particulièrement le soutien aux familles endeuillés, la plateforme d’accompagnement patient des usagers, la réflexion éthique et l’intérêt des interventions non médicamenteuses et des thérapies complémentaires pour améliorer le confort des patients comme des familles et des professionnels.
1- « Le Prix du bien-être : Psychotropes et sociétés » (Odile Jacob ; notons que le Pr Zarifian avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 1988 dans son magnifique livre « les jardiniers de la folie » (même éditeur).
2- Cela ne veut pas dire que personne n’en a consommé… Mais nous parlons ici des messages publics, indicateurs de la façon dont la santé est perçue et de ses priorités.
3- Notons à ce propos le magnifique article de Véronique Suissa et al : « Médecines Complémentaires et Alternatives (MCA) : Proposition d’une définition et d’une catégorisation de références » Revue Hegel 10 (2) 2020 Disponible ici : https://cutt.ly/xySgi1U
Et si vous testiez l’autohypnose !
Grâce à cette nouvelle vidéo, faites l’expérience de l’autohypnose, appropriez-vous de la technique et utilisez la, chaque fois que vous en avez besoin.