Rencontre avec Olivier Bessard-Banquy co-auteur du livre "Best-sellers - L'industrie du succès"
Des hommes de lettres universitaires, des professionnels du livre et trois auteurs de best-sellers - Marc Levy, Michel Bussi et Martin Winckler -, interrogent l’histoire et la réalité, mais aussi les représentations collectives et les fantasmes des best-sellers.
Existe-t-il un secret, une technique, permettant de transformer n’importe quel manuscrit en n° 1 des ventes ? Quelle part revient à l’auteur dans cette réussite ? à l’éditeur ? aux lecteurs ? Finalement, depuis le XIXe siècle, que nous disent les best-sellers ?
Entretien avec Olivier Bessard-Banquy
Best-sellers est le fruit de regards croisés entre une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, des professionnels du livre et des auteurs de best-sellers.
Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs le contexte et la raison de ces rencontres.
Toutes sortes de chercheurs venus des sphères de l’histoire, des lettres, de la sociologie des pratiques culturelles, entre autres, ont voulu passer dix jours ensemble à essayer de traiter tous les aspects des best-sellers par-delà le paradoxe de leurs succès hors normes et de leur peu de retentissement sur le strict plan culturel. Tous ont voulu s’interroger sur son caractère de saint graal dans une édition de plus en plus fébrilement en quête de livres à succès, révélant la bascule dans un monde de l’imprimé où l’ordre économique l’emporte chaque jour davantage sur le souci du rayonnement culturel.
Quels furent les bénéfices de ces échanges tripartites ?
Riches car tous sont venus avec un regard qui a permis d’éclairer l’une ou l’autre des facettes du best-seller. Les échanges aussi avec les auteurs eux-mêmes, Marc Levy ou Michel Bussi, ont été très intenses car ils ont permis d’approcher tout le travail qui se fait par-derrière si l’on peut dire, ou en amont, tout ce qui relève de la fabrique du livre à succès. En ayant sans cesse en tête qu’il existe aussi nombre de livres conçus pour le très grand public qui ne marchent pas du tout.
Quels sont les principaux axes de réflexion de cette « enquête collective » ?
Ils sont à la fois thématiques, historiques et pratiques — tout a été évoqué, dans la mesure du possible. De la mode du feel-good book aux succès des Fifty Shades dans une logique de plus en plus mondialisée. Des recettes possibles pour créer des best-sellers aux succès les plus improbables. De la part que les éditeurs peuvent y prendre aux nouveaux médiateurs du livre comme les youtubeurs. De l’histoire des best-sellers depuis le XIXe siècle jusqu’aux chiffres les plus fous des succès du livre d’aujourd’hui.
Vous nous offrez une histoire longue, remontant au XIXe siècle. Que nous disent les best-sellers à travers le temps ?
Que dès le XIXe siècle en fait les éditeurs ont commencé à fourbir leurs armes pour réussir à essayer de vendre fort, en usant du pouvoir des prescripteurs ou des médiateurs du livre, quand dans les faits une lecture de masse a pu émerger à partir des romans-feuilletons. Des modes depuis ont traversé le monde du livre — car tout succès génère des livres-clones — pour arriver à de véritables phénomènes devenus mondiaux. Tout véritable best-seller total aujourd’hui débouche sur la création d’un genre éditorial en soi comme l’ont fait Harry Potter ou les Fifty Shades.
Pourquoi les best-sellers sont-ils objets de mépris pour certains, et objets de désirs pour d’autres ?
Mépris car il faut bien dire que bien souvent les livres fabriqués pour être en tête de gondole, les best-sellers par destination si l’on peut dire, sont d’une qualité à l’occasion discutable. Pour plaire, ne faut-il pas souvent recourir à des ficelles un peu grosses, des recettes sans grande originalité ? et le plaisir qui en ressort pour le lecteur n’est-il pas quand même bien souvent un plaisir lié au fait de retrouver sans cesse les sempiternels mêmes ingrédients comme dans un roman Harlequin ? Mais les best-sellers sont aussi des révélateurs, d’attentes, de goûts, de plaisirs, et à ce titre ils nous disent aussi quelque chose de nos passions communes, de nos centres d’intérêt. Surtout quand ce sont de fait des best-sellers inattendus, des best-sellers par accident, comme La Première Gorgée de bière par exemple.
Si la question des publics des best-sellers est étudiée, quels sont ceux de cet ouvrage ?
Ce livre-ci se veut ouvert autant que possible. Piquant pour tous ceux qui s’intéressent aux livres et à ce qui les fait exister socialement. Il plaira bien sûr aux professionnels du livre qui aiment à réfléchir au monde de l’imprimé comme aux curieux de la littérature qui veulent entrer dans les coulisses de l’édition et comprendre les biais par lesquels un livre peut accéder au succès. Tous les intrigués de la sociologie des pratiques y trouveront aussi leur compte car il y a là nombre de réflexions sur les lectures et autres phénomènes de mode dans le monde des passions littéraires. Les marketeurs et les économistes aussi ne seront pas forcément désintéressés par certaines des analyses ici proposées car l’étude des best-sellers impose de se pencher sur les moyens d’action de ceux qui ont pour mission de préparer les plans d’attaque des têtes de gondole et ce qui vaut pour le livre peut à bien des égards être transposé dans nombre de secteurs de la culture et au-delà.
Best-sellers est la publication des actes, très réécrits comme c’est la règle, du Colloque de Cerisy de juillet 2018 : « Que nous disent les best-sellers ? » , sous la direction de Olivier Bessard-Banquy, Sylvie Ducas Alexandre Gefen
L'Association des Amis de Pontigny-Cerisy
Le Centre culturel international de Cerisy-la-Salle, depuis 1952, est un lieu de rencontres intellectuelles où se déroulent les « Colloques de Cerisy », qui font suite aux Décades de Pontigny de l'entre-deux-guerres. Chaque année, ils réunissent des artistes, chercheurs, enseignants, étudiants, acteurs économiques et sociaux, ainsi qu’un vaste public intéressé par les échanges culturels et scientifiques.