Qu’il soit énigmatique, racoleur, explicatif ou trompeur, au cinéma, le titre est la première identité d’un film. Il devrait être compréhensible, bien résumer l’histoire et pourtant c’est souvent loin d’être le cas…
Alain Poiré a travaillé des décennies à la Gaumont, produisant des films comme Le Grand Blond avec une chaussure noire, la trilogie de la Septième Compagnie, La Boum ou Jean de Florette. Dans ses mémoires, 200 films au soleil, il évoque le problème du titre…
Pour faire une bonne affiche, il faudrait d’abord savoir quoi écrire dessus !
Il arrive parfois qu’on commence un film qui a un titre, je veux dire un titre évident, qui va lui rester. Mais c’est un bonheur trop rare. Et dès lors, c’est la corrida. (…) Le titre, c’est LE problème. C’est notre première pub, et celle sur laquelle on peine le plus. Il y a des titres qui sont déterminants pour la carrière d’un film, qui donnent envie d’aller le voir, comme certains titres de romans donnent envie d’acheter le livre, mais pourquoi ? On ne sait pas.
À nous les petites Anglaises était un titre formidable. Diabolo menthe aussi. J’avais envie d’aller voir Diabolo menthe mais qu’on ne me demande pas pourquoi. Avec Inspecteur la Bavure associé à Coluche, il ne servait à rien d’ajouter autre chose, la publicité était faite. Et cela soulève la question des titres qui servent la vedette, tandis que la vedette sert le titre, chacun valorisant l’autre.
Annie Girardot « collait » à Docteur Françoise Gaillard, Romy Schneider à La Banquière, Bourvil à Un drôle de paroissien. René Chateau, le publicitaire, a su tenir bon pour nous persuader de garder Flic ou voyou, que nous voulions abandonner. Une réussite pour Belmondo, flic ou voyou, exactement l’ambiguïté du personnage qu’il aime à jouer. Cette fois, c’est le scénario qui s’est infléchi, avec deux scènes supplémentaires, pour justifier son titre.
Tout le monde est d’accord pour décréter qu’il y a de « bons titres » et de « mauvais titres ». Mais la chose en reste là. Qu’est-ce qu’un bon titre ? On a tendance, a posteriori, à trouver bon le titre d’un film qui a eu du succès. On espère que le titre va « tirer » le film, mais n’est-ce pas parfois le contraire ? Tout le monde a trouvé Les Tontons flingueurs un titre épouvantable. Après, j’ai entendu dire qu’il était épatant. (…) Un bon titre ? J’ai osé formuler une règle : ne pas le dissocier de sa vedette. Je la retire tout de suite, combien d’exemples m’apporteraient un démenti. Le titre est bon quand il arrive à point nommé ! Je n’ai pas apprécié le titre Et la tendresse, bordel ? (le film non plus, d’ailleurs). J’avais tort : dans l’état d’esprit de ce moment-là, il était très racoleur. Deux ans plus tôt, deux ans plus tard, il n’aurait pas fonctionné. (…)
Un bon titre ? Nous avons tout essayé : des sortes de tables rondes avec l’ensemble du personnel de la maison des concours publics, avec l’appui de la presse… Nous avons demandé leur participation à des gens réputés imaginatifs, intelligents. (Ce sont généralement ceux-là qui proposent les titres les plus stupides.) Nous finissons par nous retrouver entre nous, les auteurs, le réalisateur et les divers publicitaires.