Le recours au freelancing présente de avantages pour les entreprises, à condition de bien encadrer leur intégration dans l’écosystème et la stratégie de l’organisation. C’est ce que nous explique Frédérique Genicot.
Frédérique Genicot, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Frédérique Genicot. Economiste, ex-cadre dirigeante, j’ai participé pendant 17 ans au lancement de nouvelles activités dans le secteur de l’informatique et des télécoms. En 2006, je deviens entrepreneure pour accompagner des dirigeants de PME, puis, des freelances dans l’acquisition de nouveaux clients.
J’ai toujours été passionnée par les relations humaines et l’entreprise. Je décris à travers mes différents ouvrages les évolutions du monde du travail. Le passage du salariat à l’entrepreneuriat a été le sujet de mon premier livre (Adieu Salariat, bonjour la liberté, Eyrolles, 2019). Ensuite, les pluriactifs, les slasheurs salariés et entrepreneurs ont retenu mon attention (Multipotentiels, dunod, 2021).
Les entreprises de toutes tailles travaillent avec de plus en plus avec des freelances. Il y avait 1 208 000 freelances en France en 2021, ils étaient 523 400 en 2008, le nombre a donc plus que doublé (source : « Labour Force Survey », Eurostat, 2021). Cantonnées, d’abord, aux fonctions informatiques, ce recours concerne, aussi, aujourd’hui, toutes les fonctions support.
Dans ce nouvel ouvrage Freelances en entreprise, je me suis interrogée sur le rôle des RH dans la gestion de ces ressources externes. Les opérationnels, les achats sont encore trop souvent aux premières loges. Ce livre met en avant les besoins et motivations des freelances et la nécessité de définir une marque et une expérience freelance.
Je découvre un extrait du livre
Pourquoi les entreprises ont recours au freelancing ?
Il apporte la flexibilité. L’entreprise fait face plus rapidement aux pics de charge, elle peut aussi réduire la voilure, plus vite, en période de récession. Aujourd’hui, ce recours est aussi une réponse à la pénurie de talents dans les entreprises. Elles souhaitent avoir accès à des compétences nouvelles et rares. Former des collaborateurs prend plus de temps que de travailler avec des freelances qui consacrent, chaque semaine, du temps à actualiser leurs compétences. Le recrutement de freelances permet d’accéder à des expériences diverses, les freelances ont été confrontés à d’autres méthodes de travail, d’autres process. Ils ont un regard différent, ils partagent leur connaissance avec les salariés.
Le recours au freelancing ne devrait pas être vu uniquement comme une réponse économique. Certains profils qualifiés ne souhaitent plus un CDI, ils préfèrent rester indépendants. Ils veulent être libres de choisir leur emploi du temps, leur lieu de travail. Choisir leurs clients, leurs missions sont aussi deux raisons principales qui motivent leurs choix.
Enfin, le freelancing permet, aussi, à des entreprises d’avoir accès à des expertises hors de leurs zones géographiques, elles peuvent aussi partager avec d’autres certaines compétences.
Cela représente des avantages mais aussi des inconvénients, pouvez-vous nous en citer quelques-uns ?
Il y a des risques juridiques avec notamment le risque de requalification du contrat commercial en contrat de travail. La mission doit être ponctuelle avec des objectifs précis définis dans le temps. Ces éléments sont clairement indiqués dans le brief. L’organisation et le suivi du travail doivent aussi refléter l’absence de lien de subordination (travail en dehors de l’entreprise, pas d’horaires de travail, suivi de la mission différent des collaborateurs…).
Le contrat commercial doit aussi prévoir les modalités de rupture éventuelles et les risques liés à la réalisation de la mission. Enfin, les sujets de propriété intellectuelle, de protection des données et de sécurité seront aussi couverts par celui-ci.
Vous insistez sur la nécessité de mettre en place une politique RH plus inclusive, pouvez-vous nous en dire davantage ?
Il faut une gestion globale des ressources internes et externes. Le recours à ces talents externes est considéré comme stratégique, le contrat de travail n’est plus l’unique forme de collaboration. Les entreprises savent quand et pourquoi elles recourent au freelancing. Cette stratégie est cohérente et connue au sein de l’organisation.
L’entreprise et les RH connaissent les besoins et les attentes des freelances. Le contenu de la mission, la liberté d’organisation du travail sont très importants, la rémunération vient ensuite seulement. Ils aiment être reconnus, avoir de la considération, construire une relation de confiance. La marque freelance doit être une communication qui tienne compte de ces spécificités.
L’expérience freelance sera aussi revue pour proposer une réponse appropriée à leurs besoins. Les RH définiront un onboarding, un offboarding spécifiques. Le suivi de la mission fera aussi l’objet d’attention particulière. Cette politique RH a un impact sur l’implication et le succès des freelances. Elle permet aussi de s’assurer que le recours aux freelances soit conforme à la règlementation et éviter, alors, le risque de requalification.
Quel est le rôle des RH dans la gestion de ces collaborateurs non-salariés
On constate que les RH ne savent pas toujours combien de freelances travaillent dans l’entreprise. Ce sujet est aujourd’hui souvent géré par les Achats et les équipes opérationnelles. Les RH souhaitent participer à cette évolution pour plusieurs raisons.
D’abord, ils se rendent compte que face aux demandes de talents, le freelancing permet d’aller vite tout en intégrant des compétences très qualifiées. Ils ont compris le changement des aspirations de certains candidats. Dès lors, ils vont chercher à définir des processus de sélection, de suivi et de fidélisation adaptés aux attentes des freelances.
Gérer les freelances, c’est aussi penser à ceux qui travaillent avec eux au quotidien. Les managers n’ont pas toujours des processus d’intégration, de suivi, ni de fin de mission. Ils seront invités à adopter un management plus collaboratif. Cela apporte une cohérence, cela permet aussi d’offrir une réponse qui tienne compte de la relation juridique particulière qui lie le freelance et l’entreprise. Il faut aussi sensibiliser les collaborateurs qui pensent parfois être remplacés par ces ressources. De plus, ils sont un certain nombre à penser à devenir indépendant demain et peut-être revenir dans l’entreprise à un autre moment.
Enfin, les RH sont conscients que fidéliser les freelances est tout aussi important. Ils reviennent pour une autre mission, ils connaissent déjà l’entreprise qui a pu apprécier leurs compétences. Ces freelances peuvent parler de l’entreprise et la recommander à leurs pairs.
Ce changement de perspective suppose aussi la présence, au sein des équipes RH, de collaborateurs dédiés à la gestion des talents externes. Ces derniers auront, aussi, besoin d’un outil informatique pour gérer cette communauté de freelance (Freelance Management System).
Une dernière question, à qui conseilleriez-vous votre ouvrage ?
Aux DRH, RHH, talent manager et à tous managers en relation avec des freelances au sein des entreprises. Ils trouveront dans cet ouvrage un guide des meilleures pratiques RH pour attirer, motiver et fidéliser ces talents (presque) comme les autres.
Freelances en entreprise - Recruter, motiver et fidéliser ces talents externes
La présence des freelances au sein des entreprises est bien réelle. La prise de conscience des implications de ce changement par les ressources humaines est récente et l’intérêt pour ces talents externes va grandissant. Ils connaissent l’entreprise, demain ils reviendront pour une autre mission. Gain de temps, sérénité, confort… les équipes sont gagnantes. Puis, les freelances sont des ambassadeurs. Ils connaissent d’autres indépendants et s’ils véhiculent une image positive de l’entreprise, cela influencera ces autres talents pour accepter une offre de mission.
Ce livre se veut être un guide rassemblant, en un endroit, des informations pour mettre des mots sur cette lame de fond, son écosystème et ses différents acteurs internes et externes.