Le Salvador a adopté le bitcoin comme moyen de paiement officiel en 2021. Enée Bussac dresse un premier bilan de cette monnaie dont une seule unité représente 16 années du salaire moyen local.
Le bitcoin au Salvador : premier bilan
Le Salvador est un pays de 21 041 km2 et de 6,8 millions d’habitants, niché entre le Honduras, le Guatemala et l’océan Pacifique. Il a fait sensation en juin 2021 pour avoir imposé à sa population et à tous ses acteurs économiques le bitcoin comme moyen de paiement officiel, au côté du dollar US, seule monnaie en vigueur depuis vingt ans.
En d’autres termes, le Salvador ne disposait pas de sa propre monnaie au moment où son président, Nayib Bukele, a fait du bitcoin le second moyen de paiement légal du pays. Le bitcoin a beaucoup d’avantages, mais cela peut paraitre très surprenant d’introduire un moyen de paiement dont une seule unité vaut autant que dix-sept années de salaire moyen local, mais il faut se faire à l’idée que le bitcoin va de plus en plus être compté en satoshi, une unité de mesure plus accessible puisqu’elle représente un cent millionième de bitcoin : 1 000 satoshis avec un bitcoin à 40 000 $ représentent ainsi 0,40 $. Notons aussi qu’utiliser le bitcoin nécessite un périphérique connecté à Internet, ce qui n’est pas à la portée de tout Salvadorien.
Être adopté officiellement par un pays, si petit soit-il, est en tout cas une victoire majeure pour le bitcoin, d’où ce premier bilan six mois après l’introduction officielle de celui-ci comme moyen de paiement au Salvador.
Les avantages du bitcoin comme monnaie officielle
🔸 Le bitcoin encourage nettement l’innovation économique du Salvador : tout le pays doit mettre ses infrastructures et processus à la page bitcoin et s’adapter aux monnaies et registres numériques. Le pays développe ainsi un avantage concurrentiel et se prépare à marche forcée à embrayer le pas de l’économie numérique.
🔸 Le bitcoin met le Salvador à l’abri d’une politique monétaire inflationnaire et arbitraire si le pays était soumis au seul dollar US ou s’il avait sa propre monnaie. On peut savoir combien de bitcoins seront en circulation jusqu’à la fin des temps ; rien ni personne ne peut manipuler le système. C’est une révolution en matière de politique monétaire, car cela signe la fin de sa centralisation.
🔸 Le pays peut potentiellement s’enrichir et la population augmenter son pouvoir d’achat si le bitcoin continue à s’apprécier sur le long terme comme il le fait depuis sa création.
🔸 Le bitcoin favorise l’inclusion financière, car les intermédiaires (notamment les banques) ne décident plus seuls de l’accès au secteur financier. Permettre à tout un chacun de participer au système financier numérique peut avoir des effets économiques positifs notables, notamment en permettant à la diaspora d’envoyer des fractions de bitcoins sans frais et à tous d’envoyer et de recevoir des paiements dans le monde numérique, ce qui permet par exemple d’utiliser, voire de créer, des applications sur smartphone.
🔸 En adoptant une monnaie par essence mondiale, le Salvador se rend plus attractif auprès des investisseurs internationaux, qui ont le choix entre deux monnaies pour interagir avec l’économie salvadorienne, sachant que plusieurs pays préfèrent éviter le dollar US.
🔸 Le secteur des cryptomonnaies et de la blockchain devrait être particulièrement séduit par cette adoption du bitcoin au Salvador, qui pourra ainsi attirer entreprises et personnes à hauts revenus.
Les inconvénients et interrogations
🔸 Comparé aux monnaies fiduciaires, le bitcoin est encore très volatile et ne convient donc guère aux paiements quotidiens.
🔸 Le bitcoin est déflationniste (de moins en moins d’unités sont créées au cours du temps) et donc potentiellement défavorable à une économie reposant sur la dette : celle-ci pourrait devenir de plus en plus chère en bitcoins, ce qui pourrait étouffer la croissance économique à long terme.
🔸 La scalabilité est un souci du système Bitcoin. Sans l’intégration d’une solution de deuxième couche, il est inenvisageable de l’utiliser comme monnaie pour les paiements du quotidien. Le coût et la durée des transactions sont en effet insoutenables pour une économie. Mais tant que le réseau Lightning et le wallet Chivo fonctionnent, ces problèmes sont neutralisés.
🔸 Ce nouveau système est discriminatoire contre les personnes peu à l’aise avec le numérique, voire incapables de l’utiliser, ou ayant difficilement accès à Internet ou à du matériel informatique quel qu’il soit.
🔸 L’intégration directe de Bitcoin dans les infrastructures financières existantes est difficile et coûteuse en pratique, car de nouvelles interfaces sont nécessaires au préalable. De plus, le fait que les transactions en bitcoins soient irrévocables est problématique pour le secteur financier.
🔸 L’argument en faveur de l’indépendance de l’État peut également se transformer en un problème si, dans des situations d’urgence comme le Covid, l’État ne peut fournir rapidement un excès de liquidités au système pour qu’il ne s’effondre pas, ce que tous les pays ont fait lors de la crise du Covid-19.
La blockchain est une révolution.
Pour ne pas être dépassé par ce monde 3.0, il est essentiel de comprendre et de décrypter les nouveaux acteurs, outils et modèles économiques. Enée Bussac, spécialiste des technologies de la blockchain et de leurs applications vous apportera des réponses, éclairées et étayées pour comprendre ce monde nouveau qui s’ouvre à nous.