Caline Majdalani, psychologue et auteure de « traiter la dysmorphophobie » participe à Complément d’enquête : du selfie au bistouri.
IMAGINEZ QU’UN JOUR vous vous réveilliez et que vous vous regardiez dans la glace et qu’à la simple vue de votre image, vous ressentiez honte, désarroi et dégoût ! Imaginez qu’à partir de ce jour, l’ensemble de votre vie mentale soit occupé, comme par un assaillant dictatorial, par une partie de votre corps, qui vous apparaît comme défectueuse, menaçant votre équilibre psychologique et infiltrant tous les secteurs de votre vie quotidienne. Votre propre corps devient source et objet d’obsession, de tourmente et de détresse. Vous avez vraiment l’impression qu’il a conclu un pacte avec la honte, s’accaparant votre identité et devenant ainsi le centre unique de votre existence.
Bienvenue dans le monde cauchemardesque des patients dysmorphophobiques
Un monde où la vision globale du corps est troquée contre une vision partielle et soumise à l’affreux phénomène du « zoom » ! Un monde de solitude, d’anxiété, de colère et de désespoir où la valeur de soi est réduite à la forme perçue à travers le prisme déformant de la focalisation négative. La dysmorphophobie ou dénomination plus moderne ODC, Obsession de la Dysmorphie Corporelle, plus correcte et plus adaptée à la sémiologie du trouble est une affection psychologique très différente de la « simple » préoccupation que tout un chacun peut avoir, relative à l’apparence physique en référence à des normes éducatives et sociétales de beauté. Il s’agit là de préoccupations corporelles à caractère obsessif-compulsif, toutes époques confondues, à l’origine d’une véritable souffrance et de l’altération du fonctionnement socioprofessionnel.
Parmi les personnes ODC connues de l’histoire, l’impératrice Elisabeth d’Autriche dite Sissi, loin du personnage romancé joué par Romy Schneider, présente des obsessions multiples sur l’apparence.
Ces préoccupations corporelles qui portent notamment sur son visage et sa taille, illustrent parfaitement le trouble de la dysmorphie corporelle. Quant à Andy Warhol, il partage avec Michael Jackson, à qui on répertorie neuf rhinoplasties, une obsession du nez. Ce dernier est également réputé, au-delà de ses succès planétaires, pour son obsession de la couleur de la peau.
Le rapport au miroir est au cœur de la problématique de l’obsession des imperfections physiques.
Quand la personne qui en souffre se regarde dans la glace, elle se voit de manière « déformée », notamment à certains endroits. Son reflet n’est pas totalement conforme à la réalité objective, comme l’illustre très bien ce dessin.
Même si l’on reconnait dans le miroir la fille dans son ensemble, certains détails ont été modifiés, comme s’ils avaient subi un filtre négatif. Elle voit ses cuisses, ses mollets, son bassin et son ventre comme plus volumineux, ses seins plus petits et sa chevelure plus terne
Complément d’enquête du 6 février 2020 présenté par Jacques Cardoze :
« Du selfie au bistouri : les jeunes accros à la chirurgie ? » avec Caline Majdalani