À l’occasion de la sortie de la nouvelle édition de son best-seller L’œil du photographe et l’art de la composition, Michael Freeman expose son point de vue sur l’évolution de l’art de la composition.
Rien ne reste immuable... même la composition. Cela semble plus un vœu pieu que la réalité en parcourant les pages Flickr, où l’on peine à imaginer que les choses ont évolué depuis des décennies Cependant à l’avant-garde de la photo contemporaine, un nouvel imaginaire est à l’œuvre, souvent associé au désir de renverser les normes. On peut s’en rendre compte sur des plateformes comme lensculture.com, qui rassemblent et présentent quelques-uns des meilleurs talents.
Cela concerne tous les aspects de la photographie bien sûr, mais ici je préfère me concentrer sur la composition, car c’est la première aptitude que chacun peut expérimenter en prenant une photo. Peu importe les sujets ou les lieux. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient particuliers, exotiques ou précieux pour s’en rendre compte. Par les seules expérimentations des coïncidences graphiques et des alignements ou autres, quel que soit le sujet, on peut toujours en faire quelque chose de différent. Passionnément prometteur !
De nombreux photographes persistent à croire qu’il existe des règles de composition, qu’elles doivent être suivies dans un certain ordre et répondre à certaines attentes. Bien sûr les règles sont conçues pour que les choses fonctionnent toujours de la même façon par exemple, pour ce qui relève de la technique, mais ce n’est pas vrai pour l’art. La photographie est si immédiate et universelle qu’elle exige un renouvellement à chaque fois.
La photographie s’est tant démocratisée de nos jours, avec si peu de différence entre professionnels et amateurs, pour ceux qui sont remarqués et « likés » en ligne, que j’observe bien plus d’expérimentations techniques comme sortir du cadre, faire des juxtapositions étranges, des premiers-plans délibérément flous, des diptyques, triptyques, panoramas piqués, photographies « installations »...
On a déjà assisté à cela par le passé, comme Robert Franck inclinant l’appareil photo et obtenant des choses bizarres obscurcissant une partie du paysage, Guy Bourdin plaçant des modèles dans des endroits incongrus de sa composition, Hiroshi Sugimoto et Andreas Gursky, minimalisant jusqu’à l’abstraction. Progressivement, beaucoup de ces expérimentations de plus en plus sophistiquées ont été acceptées par un plus large public. Ce qui est nouveau désormais, c’est l’échelle de cette expérimentation, qui s’est étendue à un spectre élargi de personnes qui ne se considèrent pas comme photographes. Le terrain de jeu est donc plus vaste que jamais.
En lieu et place de règles, la composition s’appuie sur des fondamentaux qui sont bien moins contraignants. Ainsi, une composition efficace doit susciter l’attention du spectateur et n’être jamais ennuyeuse. Un autre principe de base consiste à organiser ce qui est dans le cadre selon ce que l’on veut montrer au spectateur. Un autre encore est de simplement savoir à quoi les gens réagissent quand ils regardent des images (et d’utiliser ou non ce savoir selon son projet). Voilà ce qui reste immuable.