Stéphane Truphème et Stéphane Galienni vous plongent dans les arcanes du web3 pour comprendre l’impact qu’il aura sur le marketing de demain, et comment s’y préparer dès aujourd’hui.
Faut-il vraiment croire à cette nouvelle itération du Web ?
La décentralisation qui est au cœur du web3 reste, pour certains, un leurre. L’effet réseau qui a conduit à la “plateformisation” du web et finalement à sa centralisation prévaudrait également dans le web3. D’autres critiques pointent du doigt les nombreuses arnaques et défaillances du web3.
Sur son site web “Web3 Is Going Great”, la développeuse Molly White commente quelques escroqueries et failles notables. Celle de la vente caritative du NFT de Bill Murray qui rapporte 185 000 $ immédiatement volés par un hacker est assez croustillante.
Entre faillites, arnaques, vols et pertes de crypto, les “défaillances 3.0” sont légion. Autant de problèmes qui limitent encore une adoption qui dépasse quelques privilégiés.
Rembobinons et revenons à la fin des années 90, début des années 2000.
Que voyons-nous ? Que le Web 1.0 avait aussi énormément de détracteurs ! Internet n’était qu’une mode qui allait, comme toutes les modes, disparaître. Certains pointaient déjà en 1999 des problèmes écologiques très comparables à ceux que l'on retrouve aujourd’hui chez les détracteurs du Web3.
En fait, le Web3 souffre des mêmes critiques que le Web 1.0 et surtout des mêmes difficultés à être compris par le grand public et les entreprises.
Avec Stéphane, nous avons travaillé des centaines d’heures pour décrypter les principales composantes technologiques du Web 3 et les usages qu’ils font naître : NFT, cryptomonnaies, DAO, DApps, Métavers notamment.
En des termes simples, nous vous livrons ce décryptage et nous tentons d’analyser chaque fois que nécessaire l’impact du Web3 sur le marketing.
En quelques heures de lecture, vous bénéficierez de centaines d’heures de travail et surtout, vous aurez toutes les informations pour appréhender cette nouvelle vague et décider si vous souhaitez surfer ou passer votre tour.
Ceux qui sauront projeter leur marque dans le Web3 seront ceux qui arriveront soit à s'immiscer dans des communautés existantes, soit en fédérant de nouvelles communautés.
Comment les marques doivent-elles appréhender le web3 ?
Les marques doivent l’appréhender comme une nouvelle vague justement. Une vague probablement encore plus disruptive que les deux premières que nous venons de connaître.
Les NFT, les métavers, les smart contracts*, les DAO**… vont révolutionner le rapport entre les marques et leurs audiences. Avec les deux premières itérations du Web le consommateur est devenu un consom'acteur, avec la 3e vague, il deviendra alternativement client, contributeur, investisseur et influenceur. Les frontières relationnelles entre une marque et ses audiences vont devenir de plus en plus floues. On ne parlera d’ailleurs plus véritablement d’audience, mais de communauté.
Car, c’est bien de cela qu’il s’agit, ceux qui sauront projeter leur marque dans le Web3 seront ceux qui arriveront soit à s'immiscer dans des communautés existantes, soit en fédérant de nouvelles communautés.
Les logiques qui avaient émergé avec le Web 2.0 autour d’une redistribution du pouvoir auprès des consommateurs avec notamment leur droit à la parole via les médias sociaux, la plus grande transparence, la recherche d’interconnexion avec d’autres entreprises (via les API, notamment) seront des mécanismes encore plus poussés dans le Web3. Les marques ont donc tout intérêt à appréhender cette nouvelle vague comme un vivier de créativité, d’innovation et de partage.
Il faut également considérer ici que de nouveaux marchés vont s'ouvrir. Ils seront potentiellement sans frontières et surtout sans limites. Nous faisons bien évidemment référence aux métavers.
Dans votre ouvrage vous consacrez justement une partie au Métavers, pourquoi ?
L’émergence de la notion de Web3 coïncide avec l’apparition d’un nouvel espace tridimensionnel qui s’annonce comme le futur d’Internet : le métavers. Entre infrastructure technologique et principe d’interface utilisateur, le sujet est difficile à appréhender par les entreprises et ce, pour trois raisons.
- D’abord, parce que l’amalgame est souvent fait entre deux concepts distincts et pas toujours bien assimilés par les professionnels de la communication et du marketing, qui peuvent s’adosser l’un à l’autre. Il faut donc bien distinguer ces deux familles technologiques : une entreprise peut saisir les opportunités offertes par le Web3 sans entrer dans le Métavers, se lancer dans le Métavers sans dispositif Web3, ou envisager une stratégie qui combine les deux.
- Ensuite parce que le Métavers est un nom générique pour décrire différentes typologies de plateformes qui peuvent s’appuyer sur des technologies web 1.0 (interface de type webGL), des fonctionnalités web 2.0 (réseaux sociaux en 3D, par exemple) ou encore sur une infrastructure Web3 (blockchains, NFT…), ce qui rend sa définition d’autant plus complexe.
- Enfin, si le Web3 est souvent associé à la notion de Métavers, c’est parce que ces deux technologies émergentes convergent vers de nouveaux usages pour les utilisateurs et présentent de réelles opportunités marketing pour les entreprises.
Pour notre ouvrage La vague Web3, nous avons étudié plus de 150 métavers et avons réalisé une cartographie complète qui se divise en quatre grandes familles d’usages, que nous vous proposons de découvrir sous forme de continents thématiques : avatarland, gamopolis, sandboxia et agoraspace.
Pouvez-vous nous présenter quelques exemples d’impacts du web3 sur le marketing ?
Les impacts sur le marketing sont nombreux et certains restent très probablement à découvrir. Ceci étant dit, la première incidence du Web3 sur la relation “marque - consommateur” est la création de valeur et de confiance.
Si la logique du Web3 est respectée, nous devrions retrouver une maîtrise totale sur nos données personnelles.
Nous contrôlerons ainsi la nature et la quantité de données que nous souhaitons transmettre aux entreprises pour accéder à tel ou tel service. Ceci ressemble en tout point à un contrat de confiance. Les entreprises vont par conséquent devoir inventer des formes de relation plus enrichissantes que le matraquage publicitaire qu’elles nous font actuellement vivre sur le Web. Les logiques communautaires seront primordiales pour nouer des relations parfois co-créatives, et dans tous les cas plus saines, car offrant plus de valeur. Les méthodologies marketing de type “Inbound ou Content Marketing” seront encore plus importantes qu’aujourd’hui. Les logiques communautaires seront plébiscitées.
Les études de cas que nous proposons dans le livre sont nombreuses et pourtant très différentes dans leur approche.
Pour ma part, le cas de Tiffany & Co « NFTtiff » est très intéressant car il s’appuie sur une communauté préexistante ainsi qu’une série de NFTs emblématiques de cette nouvelle culture web3 émergente : les cryptopunks. Le phénomène n’aura pas échappé à Alexandre Arnault, directeur exécutif de Tiffany&Co mais aussi au propriétaire du CryptoPunk #3167. Le jeune chef d’entreprise ingénieux a alors inversé la tendance qui consiste à virtualiser un bien de luxe physique pour en faire un item digital à faible prix dans le Métavers ou sur les places de marchés NFT : sa stratégie consiste plutôt à proposer une pièce de haute joaillerie, un pendentif unique qui permet d’exhiber ce NFT de grande valeur en dehors de son wallet ou d’autres supports digitaux.
Il suffit alors de transposer les 24 pixels des figurines en 24 matériaux précieux pour valoriser le savoir-faire séculaire du joaillier, tout en offrant aux acquéreurs du fameux jeton un produit hautement statutaire, véritable signe de distinction sociale. La marque a ainsi organisé un drop de 250 NFT utilitaires réservés exclusivement aux 10 000 membres de la communauté CryptoPunks. Baptisés tout simplement NFTiff, ces jetons permettent aux collectionneurs de transposer leur effigie de pixel sur un pendentif magnifié d’or et de pierres précieuses. Commercialisées au tarif de 30 ETH par unité (environ 50 000 dollars), ces créations digitales auraient rapporté plus de 12,5 millions de dollars à la maison à l’issue de cette vente qui s’est soldée en à peine vingt minutes.
La vague Web3 se veut concret et propose des cas pratiques ainsi qu’une boîte à outils complémentaire à l’ouvrage, pouvez-vous nous en parler ?
Lorsque nous ne comprenons pas quelque chose, nous avons tendance à le dénigrer. C’était mon cas avant que je ne rédige cet ouvrage. J’étais assez incrédule face au Web3, que je pensais être qu’un effet de buzz porté par la spéculation autour des cryptos propulsée par quelques gogos en mal de placements financiers exotiques. J’avais tout de même traversé les vagues 1.0 et 2.0 avec beaucoup d’enthousiasme, je me devais donc de faire un effort pour mieux comprendre et surtout mieux juger si cette nouvelle itération du Web valait vraiment la peine de s’y intéresser. J’ai rapidement découvert un monde rempli de promesses, ainsi que la même fraîcheur portée par la vague 1.0. Même si certaines promesses ne seront pas tenues, il est absolument incontestable que le Web3 engendrera de nouvelles disruptions majeures dans nos vies personnelles comme professionnelles.
À travers La vague Web3, nous avons donc souhaité donner des clés actionnables pour aider les marketeurs et dirigeants d’entreprises à mieux comprendre le Web3 afin de décider d’y croire et de s’investir ou au contraire de le réfuter. Mais, dans tous les cas, de le faire de manière éclairée, conscientisée et d’éviter le réflexe de rejet naturel que nous avons spontanément face à quelque chose que nous peinons à comprendre.
Il y a la théorie et la pratique, les deux vont de pair. Et c’est en forgeant que l’on devient forgeron : il était essentiel de dépasser la théorie en proposant d’accompagner nos lecteurs à apprendre par eux-mêmes : créer son crypto-wallet, minter son premier NFT, personnaliser son avatar et découvrir le vaste monde des métavers sont autant d’actions simples et parfois complexes, qui permettent à tout un chacun de s’initier à ce nouveau monde. Il vaut mieux tard que jamais, n’est-ce pas ?
A qui conseilleriez-vous votre livre ?
Principalement aux marketeurs, communicants, dirigeants d’entreprises quel que soit leur secteur d’activité. Bien évidemment, certains secteurs seront fortement concernés à court terme, tandis que d’autres disposeront d’un peu plus de temps, mais quoi qu’il en soit, le Web3 encore émergeant est là pour durer.
La prise en main du livre a été conçu pour trois typologies de lecteurs.
Dans un premier temps, bien évidemment, comme l’a justement souligné Stéphane Truphème, les décideurs d’entreprises, dirigeants ou directeurs de département (communication et marketing, mais aussi RH et finance, relations publiques, etc.) car le web3 va impacter tous ces métiers au sein de l’entreprise. Il n’est pas trop tard pour s’y mettre, mais 2023 sera une année charnière pour conserver un avantage concurrentiel et anticiper ces nouveaux usages clients.
Ensuite pour les professionnels indépendants « solopreneurs » qui devront, tôt ou tard, maîtriser ces sujets pour accompagner leurs clients sur la décennie à venir. Enfin, les « business school » et centre de formation qui ne peuvent plus ignorer ces sujets dans leur programme d’éducation ou d’acculturation en 2023.
*Qu’est-ce qu’un smart contract ?
Les smart contracts, ou contrats intelligents, sont des programmes informatiques irrévocables, le plus souvent déployés sur une blockchain, qui exécutent un ensemble d’instructions pré-définies.À lire sur : https://journalducoin.com/lexique/smart-contract/
**Qu'est-ce qu'une DAO ou organisation autonome décentralisée ?
Une organisation autonome décentralisée (DAO) fait référence à une communauté composée d’une multitude de participants (par exemple, des développeurs ou des utilisateurs sur une blockchain) qui fonctionne selon des règles de gouvernance inscrites dans des smart contracts, sans aucune intervention humaine et de manière décentralisée, ces règles ne pouvant être modifiées que dans le respect de méthodes de consensus.
À lire sur : https://cryptoast.fr/dao-organisation-decentralisee/