Rencontre avec Elsa Foucraut qui nous propose le premier livre consacré au plaidoyer, outil indispensable pour celles et ceux qui veulent influencer les décideurs publics et l’opinion.
Pouvez-vous définir en quelques mot le plaidoyer ?
Dans les associations, le plaidoyer est l’activité qui consiste à défendre une cause auprès des pouvoirs publics, dans le but d’influencer le débat public et d’obtenir des changements concrets de politiques publiques.
Ce mode d’action fait partie du répertoire d’actions que peuvent mobiliser les associations et ONG. D’une certaine manière, le plaidoyer peut s’apparenter à du « lobbying à but non lucratif » : il s’agit de déployer des stratégies d’influence qui sont parfois les mêmes que le lobbying d’entreprises, mais appliquées au service d’une cause d’intérêt général. Contrairement au lobbying classique, le plaidoyer cherche aussi à mobiliser les citoyens, et peut mobiliser des modes d’action différents, tels que la pétition ou le contentieux stratégique.
Même si le plaidoyer peut être pratiqué aussi bien à titre professionnel ou bénévole, c’est une fonction qui s’est beaucoup professionnalisée ces dernières années : de nombreuses associations emploient aujourd’hui des responsables de plaidoyer. Et pourtant, il manquait en librairie un ouvrage complet sur le sujet.
Je découvre un extrait du livre
Votre ouvrage est structuré en trois parties qui reflètent les trois piliers du plaidoyer. Pouvez-vous nous les présenter ?
Stratégie, expertise, influence politique : voilà les trois piliers du plaidoyer, autour desquels j’ai construit le Guide du plaidoyer . Même si le livre s’ouvre sur la partie stratégie, j’insiste sur le fait qu’il a été pensé pour que chacun puisse l’ouvrir en commençant par l’un ou l’autre de ces piliers. Dans la pratique, la réflexion stratégique précède rarement l’action. Au contraire, on avance en marchant, et les aller-retour entre la stratégie, l’expertise et l’influence politique sont permanents.
Quand on pense au plaidoyer, on pense en général d’abord à l’influence politique, et à des savoir-faire concrets comme la compréhension du calendrier parlementaire ou la capacité à rédiger un amendement. Tout ceci est évidemment abordé en détail, mais ce n’est pas tout. Le livre Guide du plaidoyer s’intéresse abondamment aux enjeux de mise à l’agenda : comment faire pour qu’un problème devienne une préoccupation politique ? De même, une attention particulière est portée à la phase de mise en œuvre, partant du constat que, trop souvent, les réformes échouent à ce stade. L’une des spécificités de ce livre est que je présente la décision publique comme un cycle, avec des phases de mise à l’agenda, de réforme, et de mise en œuvre qui s’enchaînent, le tout rythmé par les élections.
Dans la partie stratégie, j’aborde notamment les enjeux de cadrage sémantique, la notion de théorie du changement, ainsi que les questions de pilotage. Cette partie intéressera tout particulièrement les directeurs et directrices d’association, ainsi que les responsables de plaidoyer expérimentés. Dans la partie expertise, j’explique comment organiser sa veille, comment cartographier son environnement, et comment documenter une cause.
Enfin, je suis convaincue que le plaidoyer est un métier de stratégie et d’expertise. J’ai bien conscience que ces deux termes peuvent impressionner, et c’est pourquoi je propose dans ce Guide du plaidoyer des outils très concrets, de nombreuses illustrations tirées d’exemples réels, avec l’ambition de montrer que la stratégie et la construction d’une expertise sont à la portée de toutes et tous.
Quelles sont les deux clés d’un bon plaidoyer ?
Un objectif clair… et de la persévérance. Il faut savoir où l’on va pour ne pas se disperser et pour maximiser ses chances d’obtenir un impact, tout en acceptant que le véritable changement est souvent long.
Pour qu’un plaidoyer avance, il faut travailler quatre étapes : imposer l’importance d’un sujet à l’agenda (c’est-à-dire faire en sorte que l’on en parle dans les médias et que les pouvoirs publics s’y intéressent), formuler des propositions crédibles pour changer les choses (ne pas se contenter de dénoncer), obtenir une réforme ou un changement, et la mettre en œuvre.
Il suffit de manquer une seule de ces phases pour qu’un plaidoyer échoue, ou du moins pour qu’il ne produise pas tous ses effets.
Vous présentez la cartographie comme une compétence centrale pour le plaidoyer, pourquoi est-elle si capitale ?
Dans le jargon du plaidoyer, la « cartographie » renvoie à toutes les méthodes dont on dispose pour comprendre son environnement. Vous pouvez cartographier les acteurs, c’est-à-dire comprendre qui sont vos alliés, vos adversaires et vos cibles de plaidoyer. Vous pouvez aussi cartographier l’état du débat public.
Je mets à disposition dans ce livre des matrices d’aide à la décision. Ce sont des outils qui aident à structurer sa pensée et qui permettent de synthétiser un message visuellement, pour convaincre les autres parties prenantes.
L’objectif principal du plaidoyer est l’influence politique. Quels conseils donneriez-vous pour être entendu par le grand public, les médias et les décideur·se·s publics ?
La crédibilité et la cohérence sont donc des conditions incontournables, en plus du sens du calendrier. Pour retenir l’attention, il faut savoir s’intégrer dans l’agenda politique et médiatique : savoir l’anticiper, savoir jouer avec, essayer de l’influencer. En matière de calendrier, il faut être capable de jouer en permanence sur différentes temporalités : le court terme, avec une réactivité vis-à-vis de l’actualité, et le long (voire le très long) terme.
Par ailleurs, il faut savoir en permanence « traduire » un même message. Vulgariser sans tomber dans le simplisme et la démagogie ; être précis et technique lorsque l’on s’adresse à des parlementaires en plein projet de loi.
Enfin, je conseille de regarder ce que font les autres organisations, pour s’en inspirer. Ce livre fournit d’ailleurs de très nombreux exemples concrets de campagnes de plaidoyer récentes.
A qui conseilleriez-vous votre livre ?
Ce Guide du plaidoyer intéressera d’abord les responsables de plaidoyer actuellement en poste, que celles et ceux qui aspirent à rejoindre ce métier : j’ai écrit le livre que j’aurais aimé avoir sous la main quand j’ai été recrutée comme responsable de plaidoyer il y a quelques années.
La partie stratégie intéressera également les dirigeant.e.s et les bénévoles associatifs et syndicaux, qui désirent renforcer la place du plaidoyer dans leur organisation.
Enfin, on peut le conseiller aux agents publics travaillant dans le domaine de la communication institutionnelle.
Guide du plaidoyer - Bâtir sa stratégie d'influence pour faire évoluer la loi
Dans son ouvrage, Elsa Foucraut, propose une véritable boîte à outils pour les personnes qui souhaitent engager une démarche de plaidoyer. En maîtrisant les codes et en procédant avec méthode, vous construirez un plaidoyer efficace et percutant.